Le Château de Kerjean présente sa nouvelle exposition Terres de fortune et d’infortune, le troisième et dernier volet d’un cycle consacré à l’élargissement du monde à la Renaissance, du 8 avril au 5 novembre 2023. Cette exposition montre, par la multiplicité des regards, les relations complexes entre les différentes populations et les Européens ainsi que l’apparition de nouvelles sociétés métissées. Un parcours jalonné d’objets anciens, de film d’animation, de multimédias et d’œuvres contemporaines.
La Renaissance est le temps de l’expansion européenne à travers le monde et les implantations bouleversent les populations locales des territoires conquis. Au même moment, ces nouvelles rencontres conduisent les Européens à s’interroger sur la nature de l’humanité : les perception et interprétation des cultures s’entrechoquent.
L’aspect et les usages des Européens étonnent et questionnent les populations avec lesquelles ils n’avaient encore jamais eu de contact. La volonté de domination et d’exploiter les ressources induisent des relations difficiles et finalement complexes entre le colon et l’autochtone.
En multipliant les regards, l’exposition confronte les différentes visions. Au premier rang des nombreux bouleversements dus à l’arrivée de populations nouvelles, on note l’expansion du catholicisme avec la création de nombreuses communautés religieuses. Mais également, et contre toute attente, émergent de nouvelles sociétés métissées.
Parcours de l’exposition
En véritable fil rouge de l’exposition, de nombreux témoignages ponctuent le parcours de visite. Sous la forme de créations sonores inédites, huit témoins – de l’Indien Chupacho au père jésuite Maceta en passant par Olaudah Equiano, un captif africain affranchi – évoquent les bouleversements dus à l’arrivée des Européens.
Au premier étage du logis seigneurial, le film d’animation intitulé “Bouleversements et peuplements” nous plonge dans les récits de la colonisation des territoires par les Européens. Diffusé sur trois écrans, il présente l’empire aztèque, les Indiens Taïnos à Hispaniola et enfin, l’Empire Ming en décrivant les premiers contacts des arrivants qui diffèrent selon les continents.
La salle suivante s’intéresse aux conséquences directes de l’arrivée des Espagnols, Portugais, Hollandais : déplacement des populations indigènes à l’intérieur de leurs propres territoires, bouleversement de leur organisation sociale et de leurs frontières. Les visiteurs pourront ainsi observer des marionnettes Wayang indonésiennes ainsi qu’une maquette en bois d’un village – reduccion – jésuite.
Ensuite est évoqué le thème de l’exploitation des populations avec la traite des êtres humains aux 16e et 17e siècles par le biais de “la marchandisation” des esclaves et de l’exploitation sucrière. Un multimédia intitulé La traite transatlantique permet d’appréhender le premier système esclavagiste mis en place par les Portugais. Une entrave prêtée par le musée d’Histoire de Nantes est présentée accompagnée d’objets pour le troc, utilisés comme monnaie d’échange.
Après avoir gravi l’escalier d’honneur, deux autres thèmes sont abordés, à savoir les missions jésuites aux Japon et Notre-Dame de Guadalupe, symbole d’acculturation religieuse au Mexique. Les visiteurs découvrent grâce à un multimédia L’habit fait le moine comment les populations évangélisées se réapproprient les images chrétiennes. Le jeu présente des objets religieux « métissés » en regard d’objets de style de forme autochtones. En comparant les iconographies, le joueur mène l’enquête afin de déterminer la provenance de ces objets de culte.
La pièce suivante, aux belles boiseries bleues, a pour thème les nouvelles sociétés métissées. Le mélange de populations issues de cultures différentes apparaît clairement à Goa, la capitale informelle de l’empire portugais, et à Mexico, la capitale de la Nouvelle-Espagne. Un magnifique coffret marqueté d’ivoire en provenance du Musée de la Compagnie des Indes de Lorient montre l’excellence de l’artisanat indien au 17e siècle. La ville de Goa n’a alors rien à envier à Rome ou à Lisbonne !
Quant à Mexico, la ville compte plus de 25 000 métis dès la fin du 16e siècle. Le terme métis apparaît alors pour désigner des personnes issues des unions entre Amérindiens et Espagnols. La reproduction d’un tableau dit de castes du 18e siècle montre le système de classification qui distingue jusqu’à 16 catégories différentes de “sang mêlé” selon les proportions respectives de sang européen, indien ou noir.
En conclusion d’un riche parcours historique, les œuvres contemporaines des artistes réunionnaises Leïla Payet et Gabrielle Manglou sont présentées dans les deux dernières salles de l’exposition : (Di)Or(amas) et Lames-vagues aux mémoires salées.
(DI)OR(AMAS) : Les installations en sucre que Leïla Payet compose sont toujours des visions miniaturisées de la société à laquelle elle appartient et du territoire qu’elle habite. Comme tous les dioramas, ses constructions ont pour fonction d’être des images symboliques et narratives.
La Réunion a toujours été une île nourricière : le sucre, source de plaisir, y est un ingrédient incontournable. Pour autant, il est lié à la traite humaine qui a permis d’expérimenter l’industrialisation des corps dans sa forme la plus brutale. Pour l’artiste réunionnaise, ce petit objet du quotidien est porteur de multiples sens : c’est un « mille-feuille » qui peut représenter les identités créoles les plus contradictoires. À travers cette œuvre, elle propose un écho à l’histoire coloniale dont l’exploitation du sucre est autant un symbole de plaisir que de mort.
LAMES-VAGUES AUX MÉMOIRES SALÉES : Originaire de l’île de La Réunion, Gabrielle Manglou est familière de ces territoires singuliers où la multi-culturalité a laissé des traces parfois conflictuelles. Elle questionne à travers ses œuvres la place, dans la vision historique européenne, du métissage et de ses récits.
Dans cette installation, l’artiste attire notre attention sur cet immense espace qu’est l’océan. Ici, il imprègne son imaginaire, traversé par les traces brouillées et les bribes de l’histoire des hommes. Elle nous propose un monde sous-marin tout à la fois obscur et lumineux chargé des âmes de ceux qui ont sombré. L’océan, ouverture vers l’ailleurs, est aussi cette zone énigmatique où les vies des uns et des autres se sont mélangées, enchevêtrées et où il n’y a plus de délimitation.
La médiation
Tout au long de l’année, le Château de Kerjean propose un large éventail de visites et d’outils adaptés à chacun autour des expositions, du patrimoine et du parc. Pour Terres de fortune et d’infortune, l’équipe de médiation a concocté des animations sur mesure, afin de découvrir l’exposition selon les envies de chacun.
À votre rythme… : des médiateurs, présents dans les salles d’exposition, répondent aux questions des visiteurs.
… ou en bonne compagnie : une visite accompagnée d’une heure permet de découvrir l’exposition avec un médiateur.
Les animations flash : ces animations de vingt minutes sont l’occasion d’approfondir des sujets en lien avec l’exposition.
Le coin des petites fabriques : pendant une trentaine de minutes et avec le matériel mis à disposition, petits et grands expriment leurs talents créatifs.
L’équipe de médiation mène également des animations et visites à destination de différents types de groupes, sur réservation : scolaires, accueil de loisirs, adultes, personnes en situation de handicap, personnes issues du champ social.
Château de Kerjean : joyau de la Renaissance
En plein âge d’or de la Bretagne à la fin du 16e siècle, la famille Barbier édifie un château qui surpasse les plus belles demeures de la région. Construit pour impressionner et mettre en scène la puissance de cette riche famille en pleine ascension sociale, le Château de Kerjean s’inspire des modèles dits « à la française » tout en s’adaptant au style régional. Il en résulte un bijou d’architecture Renaissance avec ses décors raffinés, son portail d’honneur avec terrasse sur arcades et son élégant puits délicatement posé dans la cour.
Le Château de Kerjean répond également à un impérieux besoin de protection à l’époque des troubles liés aux guerres de la Ligue. Il est donc entouré d’une exceptionnelle enceinte fortifiée de plus de 10 mètres d’épaisseur, doublée de profonds fossés.
Avec son parc arboré de 20 hectares, véritable îlot de biodiversité (récemment labellisé « refuge pour les chauves-souris »), cet ensemble présente de multiples facettes toujours à redécouvrir au cours d’animations, de visites ou de promenades.
Un cycle de trois expositions sur «l’élargissement du monde à la Renaissance»
Le Château de Kerjean propose un modèle d’exposition qui conjugue histoire et art contemporain. Les thématiques abordées ont trait à la Renaissance, époque de construction du château. Un parti-pris qui privilégie une scénographie épurée, appuyée par la production de films d’animation et de multimédias interactifs, et mettant en regard objets, œuvres historiques, et créations contemporaines. La thématique de « L’élargissement du monde à la Renaissance » explore la première mondialisation survenue aux 15e et 16e siècles, et observe à parts égales les liens développés entre les quatre principales parties du monde. 2021 : En terre inconnue ? Le monde au 15e siècle / 2022 : Terre ! Terre ! Les conquêtes européennes au 16e siècle / 2023 : Terres de fortune et d’infortune. Les premiers métissages (du 16e au 18e siècle)
Exposition réalisée en partenariat avec Passerelle Centre d’art contemporain, Brest.
Infos pratiques
Horaires d’ouverture :
8 avril > 30 juin et 1er septembre > 20 octobre – Tous les jours (sauf le mardi et événements) de 14h à 18h
1er juillet > 31 août – Tous les jours de 10h à 18h30
21 octobre > 5 novembre – Tous les jours (sauf les jours fériés) de 14h à 17h30
23 décembre > 7 janvier – Tous les jours (sauf le mardi et les jours fériés) de 15h à 18h30
Fermé le 01/11, 25/12 et 01/01
Tarifs d’entrée :
Moins de 7 ans : gratuit. Tarif réduit de 1€ à 6,50€. Plein tarif : 9€
Château de Kerjean – EPCC Chemins du patrimoine en Finistère 29440 Saint-Vougay