Avec La Chambre d’à côté, Pedro Almodóvar signe son 17e long-métrage. Dans ce premier film totalement en langue anglaise, en salle depuis le 8 janvier 2025, le réalisateur espagnol aborde sans remous le suicide assisté, la fin de vie, mais aussi l’amitié.
Si vous souhaitez de l’action ou des retournements de situation à vous en faire perdre la tête, La Chambre d’à côté n’est pas pour vous. Le réalisateur espagnol nous fait traverser l’histoire d’Ingrid et Martha, amies de longue date, mais dont les carrières professionnelles respectives ont éloigné : la première est devenue une romancière à succès, la seconde reporter de guerre. Cependant, leurs routes se croisent à nouveau des années plus tard. Si le résumé ne laisse rien paraître, la bande-annonce livre, elle, plusieurs indices. Ne passons pas par quatre chemins : adapté du livre Quel est donc ton tourment ? (What Are You Going Through) de Sigrid Nunez (2020), le nouveau long-métrage d’Almodóvar évoque la mort d’un proche et le suicide assisté. Condamnée par la maladie, Martha préfère choisir quand partir plutôt que de laisser la maladie la ronger. Elle demande alors à Ingrid de l’accompagner dans un voyage à la campagne qui sera sans retour pour elle, d’être dans « la chambre d’à côté » le jour où elle décidera que sa vie prendra fin. « Je dors la porte ouverte. Le jour où tu la trouveras fermée, c’est que ça aura eu lieu. »
Contrairement à l’euthanasie, où le médecin injecte le produit létal, dans le suicide assisté, c’est la personne elle-même qui s’administre le produit létal. Le suicide médicalement assisté est illégal dans la plupart des pays sauf quelques exceptions, l’Espagne en fait partie. Originaire d’un pays qui a légalisé l’aide à mourir, Almodóvar choisit de questionner le droit de mourir quand on se sait condamné dans un pays qui ne l’autorise pas.
Le sujet a été abordé plusieurs fois ces dernières années : on pense notamment au récent film français de François Ozon, Tout s’est bien passé (2021), dans lequel un père malade (André Dussollier) demande à sa fille (Sophie Marceau) de l’aider à mourir. De la même manière, le nouveau Almodóvar peut diviser. Si sa beauté visuelle ne fait aucun doute – les couleurs jaillissent, vibrantes, et composent une photographie proche de la peinture -, certains pourraient reprocher le manque d’originalité de l’histoire et une simplicité dans la manière de traiter le sujet. Pas de grands rebondissements, juste un chemin dont on connaît déjà l’issue. Mais l’important n’est pas tant dans la recherche de l’idée novatrice que dans la façon qu’a le réalisateur espagnol de la traiter justement, et ce qu’il cherche à interroger.
Il est ici question d’acceptation : pour l’une de mourir, pour l’autre de laisser mourir. Le spectateur accompagne la malade de la même manière que l’amie : peut-être avec une certaine passivité, mais en respectant un choix qui ne lui appartient pas. Martha a accepté sa mort et souhaite décider de quand et comment elle partira, mais le travail d’Ingrid est tout autre, plus intérieur ; la romancière doit surmonter ses peurs et accepter à son tour la mort prochaine de son amie. Jolie mise en abyme quand on sait que le film s’ouvre sur la romancière en train de dédicacer un livre à ce sujet. En lui demandant de l’accompagner, Martha guide Ingrid sur le chemin de l’acceptation de la mort. Ses retrouvailles particulières, après tant d’années éloignées, apportent autant à l’une qu’à l’autre, elles s’aident mutuellement.
Portant cette relation complice et authentique singulière, le duo Tilda Swinton et Julianne Moore est simplement remarquable. Il pousse le spectateur à questionner notre rapport à la mort, mais aussi sur l’amitié et ce qu’on est prêt à faire pour un être cher. Le film ouvre une réflexion au rythme des couleurs qui composent le film.
En salle depuis le 8 janvier 2025.