Dans son nouvel ouvrage La force d’être juste, sous-titré, Changer le monde sans refaire les mêmes erreurs (Flammarion, octobre 2025), Jean Birnbaum nous invite à revisiter l’histoire d’engagements politiques marqués par des idéaux parfois trahis par les militants de leur propre camp et qu’ils se refusent à voir pour ne pas être considérés comme traitres à leur cause.
D’une rencontre inattendue avec un jeune homme dans un train pour la Bretagne, Jean Birbaum va commencer un dialogue virtuel une fois son compagnon de voyage quitté. Il s’agit de fait, puisque celui-ci ne peut lui répondre, d’un monologue où il va tenter de convaincre son jeune interlocuteur d’ouvrir les yeux sur des engagements radicaux mais aveugles à l’histoire. Nous retrouvons dans ce livre à quelques variantes près les mêmes propos et les mêmes ingrédients de forme déjà utilisés dans Le Courage de la nuance publié en 2021 au Seuil. C’est-à-dire quelques chapitres traitant de manière générale de son sujet et une suite de portraits de personnages référents, connus et inconnus, qui ont eu le courage d’après lui de regarder la réalité en face et de s’écarter de leurs partis lorsque ceux-ci ne dénonçaient aucun des agissements de leur camp politique contraires à l’éthique et la justice.
Si nous découvrons au fil des pages ses années de militantisme à gauche, ses compagnons de l’époque, les pratiques, les slogans, les partis-pris, les excès de toute nature et les tentatives d’embrigadement des esprits, il prône ici l’obligation morale d’affronter la réalité des lendemains du radicalisme (totalitarisme, dictature…) pour que la jeunesse d’aujourd’hui ne retombe dans les mêmes travers. Il explique qu’il faut s’affranchir de l’interdit du type « tu vas faire le jeu de nos adversaires… », « … pour qui tu roules… », des formules déjà présentes dans son précédent ouvrage, qui enferment les militants dans le dilemme entre fermer les yeux et couvrir des mensonges ou les dénoncer au prix d’être traité de rénégat. Citons les paroles de Germaine Tillion reprises page 106 sur David Rousset auquel il consacre le chapitre « Un trotskiste au Figaro », : « pour défendre le Juste et le Vrai il faut parfois affronter de grandes souffrances pouvant aller jusqu’à la mort […]. Un autre courage est exigé quand Vérité et Justice exigent que nous affrontions nos proches, nos camarades, nos amis. Ces deux courages, David Rousset les a eus ».
Aux figures qui lui servent d’exemple, nous retrouvons sans surprise Bernanos qu’il tient en haute estime mais seul représentant du camp conservateur et très droitier quand, pour tous les autres, ce sont des revenus de la gauche révolutionnaire dont une majorité de trotskistes. Edgar Morin, Victor Serge, Georges Orwell, Simone Weil, … Le climat politique de notre actualité résonne bien entendu avec l’essai de Jean Birnbaum. Nulle difficulté à comprendre que LFI s’inscrit en filigrane dans ce temps, le nôtre, où les opinions sont tranchées, les débats impossibles, les colères profondes, où nous voyons la montée des extrêmes, des comportements de clans et de meutes et des règlements de compte par réseaux interposés…
Si l’analyse sur beaucoup de points et les exemples pris sonnent juste, nous pouvons regretter cependant que son regard se tourne uniquement sur sa gauche. Pourquoi ne pas aborder l’autre extrême et se poser les mêmes questions ? N’y aurait-il dans le national-socialisme autant à creuser ? En Allemagne même entre Martin Heidegger et Ernst Jünger ou d’autres. Et chez nous, ce goût pour la révolution nationale-socialiste et tout aussi totalitaire avec des Marcel Jouhandeau,Alphonse de Châteaubriant, Thierry Maulnier, etc.

Jean Birnbaum, La force d’être juste, « Changer le monde sans refaire les mêmes erreurs », éditions Flammarion, 174 pages, 17.50€. Parution : octobre 2025. Lire un extrait
