Voilà 30 ans que le chanteur Kent nous fait le bonheur de sortir régulièrement des albums et autant d’années de bonheur pour l’auditeur, sans faire de vagues ou de hits. Avec le Temps des âmes Kent reste-t-il le même ?
Kent est un artiste polymorphe. Aussi à l’aise avec la plume qu’avec une guitare, un piano, même un pinceau ou un crayon. Après son époque punk de Starshooter, il a pris un virage dans la chanson française avec bonheur en mêlant un sens mélodique avec des textes ciselés et adapté à notre époque. Le rare album « live » de sa carrière donnait déjà l’occasion de ressentir la puissance de ses chansons, laquelle se traduit davantage par les mots que par la tonitruance des instruments. Avec ses voyages, il nous a entraîné dans différentes contrées ; cette fois, c’est à Berlin qu’il s’est arrêté.
Ses 50 ans passés, Kent affiche un regard nouveau à travers cet album. Il se tourne vers le passé, sa relation à l’âge, comme l’exprime bien la pochette de l’album où son visage apparaît plus buriné que jamais. En effet, le ton général est nostalgique et mélancolique, exprimant son amour pour sa moitié, notamment dans le très beau « Notre amour ». Il se retourne sur sa jeunesse et son aspiration à vouloir encore « faire jeune » comme dans « Jeune con », sorte de monologue du chanteur face à lui même. Il fait mouche sur les travers de notre société : le superflu apporté par la technologie, dans « Superficiel », ou cette course vers un progrès qui se révèle plus destructeur que libérateur dans « Face à la lumière ».
Kent chante notre existence en se promenant à Berlin avec quelques interludes instrumentaux ambiancés. Il y a des faiblesses. Comme dans tout album. Ici, surtout dans la deuxième partie où les refrains se font approximatifs. Mais pour qui tend l’oreille, pour qui se laisse bercer par une poésie qui se rapproche comme jamais de celle d’un Higelin (le père, pas le fils avec qui il a fait quelques duos), il y a une fascination qui s’installe. Peut être aussi pour un auditeur qui sera sensible aux thèmes abordés. Pour ma part, je retiendrais « Passion Killer » qui aurait pu clotûrer de manière parfaite cet album, sans interlude final.
Elle se moque des beaux discours
Elle se rit des à priori
Les résolutions au grand jour
Elle les massacre à pleine nuit
Le temps des âmes de Kent laissera de marbre ou saisira son auditeur, comme beaucoup d’albums de Kent. Peut-être pas son meilleur, mais une heureuse retrouvaille nostalgique et poétique.
Kent, Le temps des âmes, Thoobet Productions, 2013
1. Die weinende stadt (prelude)
2. Ombre berlinoise
3. L’éternité
4. Le temps des âmes
5. Notre amour
6. Face à la lumière
7. Jeune con
8. Avec élégance
9. Volontaire
10. Un jour sacré
11. Ellis island
12. Superficiel
13. Oublier
14. Verblühende liebe (interlude)
15. Passion killer
16. Frau joliets musicbox (épilogue)