Longtemps épuisé, le diptyque Les Yeux verts de Zanzim et Hubert connaît une réédition aux éditions Glénat. Cette première aventure épique, un aristocrate pragmatique embarqué malgré lui dans un univers surnaturel, signait en 2002 le début d’une grande collaboration artistique qui dura une vingtaine d’années. Et pour prolonger le plaisir, retrouvez l’exposition Ma Vie Posthume de Zanzim à l’Antipode de Rennes, jusqu’au samedi 25 novembre 2023.
Découvrir une nouvelle bande dessinée du dessinateur Zanzim et du scénariste et coloriste Hubert, c’était comme ouvrir l’emballage d’une sucrerie, douce et piquante, qu’on laisserait ensuite fondre sous la langue, délicatement, jusqu’à la dernière page, la dernière saveur. Plonger dans leurs histoires fantastiques aux questionnements actuels, c’était un nouvel univers à appréhender, de nouvelles problématiques à aborder. Les éditions Glénat offrent l’occasion de (re)découvrir l’histoire qui a fait naître une grande et talentueuse collaboration artistique, Les Yeux Verts.
Initialement publié en deux tomes (« La politesse des monstres » et « Capitale des enfers ») aux éditions Carabas, le diptyque signait à l’aube des années 2000 la première association du dessinateur Fred Zanzim et du coloriste et scénariste Hubert, disparu en 2020. Avec un premier volume paru en 2002 et un second en 2004, cette histoire a initié un fructueux compagnonnage : La Sirène des pompiers (2006), Ma Vie posthume (2012 et 2014) et Peau d’homme (2020). Les fans de cette dernière épopée (200 000 ventes en France et plus de 15 prix rappelons-le), qui sera d’ailleurs prochainement adaptée au cinéma, ont certainement dû entendre ou lire ce titre au grès de leur recherches. Certains ont eu la chance de la parcourir, d’autres, face à la mention “épuisé”, ont certainement été frustrés de ne pas assouvir ce besoin de lire la totalité de la production à quatre mains… Rangez les mouchoirs, votre patience est aujourd’hui récompensée, en version intégrale avec bonus qui plus est : Les Yeux verts se refait une nouvelle jeunesse trois ans après la sortie de Peau d’homme grâce, comme La Sirène des pompiers (2021, éditions Dargaud) et Ma Vie posthume (2021, éditions Glénat) avant elle.
L’histoire prend place en 1793, à l’époque révolutionnaire. Le vicomte Narcisse de Rougemont, en exil à Londres, est mandaté pour une mission de la plus grande importance : faire sortir le père Anselme de France. Mais le jeune aristocrate se trouve vite confronté à d’étranges phénomènes que son esprit pragmatique a bien du mal à croire. Des sorcières ? Une femme félin ? « Monsieur est un septique. Mais je te le dis d’ici au jour levé, tu verras les choses d’un autre œil ! » (page 14) Sa vie bascule totalement quand il se retrouve en possession de mystérieux yeux verts aux pouvoirs étranges qui attirent la convoitise féroce de protagonistes protéiformes… Même un chien qui parle ? « Permettez-moi de vous rappeler que nous en sommes à quatre tentatives d’empoisonnement, cinq agressions au couteau et au pistolet dont les auteurs sont passés de vie à trépas. » (page 56)
Hubert avait déjà fait ses classes en tant que coloriste et scénarisé le premier tome du Legs de l’Alchimiste, dessiné par Tanquerelle, quand il collabore avec Zanzim qui, lui, fait ses premiers pas dans la BD. Mais avec cette mise en images, le Rennais signe son premier travail d’orfèvre. Cette création est empreinte de ses expérimentations artistiques, notamment dans le traitement du dessin, mais on y décèle déjà une manière de représenter les décors et les personnages – Blanche Neige rappelant Emma Doucet (Ma Vie Posthume) -. La couleur se rapproche quant à elle de l’esthétique de la peinture et pour cause, les planches sont réalisées à l’acrylique. Le dessinateur se dirigera par la suite vers les lignes nettes et les aplats de couleurs qu’on lui connaît. Le papier mat ajoute ici à la modernité de l’album et donnent une nouvelle dimension aux teintes.
L’enthousiasme de découvrir les débuts prometteurs de Zanzim se joint au plaisir de parcourir un scénario de Hubert. Au fondement de leur collaboration, Les Yeux verts réunit tous les ingrédients d’une aventure fantastique bien ficelée, comme le duo nous a habitué. Le lecteur est projeté dans un temps passé pour mieux traiter de sujets actuels, voire universels : la famille, le pouvoir ou la religion. Grand appréciateur de contes, digne héritier de Perrault, Hubert contait des histoires emplies de monstres et de créatures pour mieux parler des émotions humaines dont il était lui-même traversé. Naissaient ainsi des histoires fantastiques poétiques et touchantes, à l’image de Les Yeux Verts.
Les prémices d’un tome 3 qui n’a finalement jamais vu le jour clôt l’album en beauté. Elles prolongent le plaisir de se replonger dans les aventures teintées d’onirisme Zanzim et Hubert et se savourent jusqu’à la dernière miette. À l’approche des fêtes de fin d’année, on imagine facilement la bande dessinée, cruellement convoitée, au pied du sapin vert…
Les Yeux verts, Zanzim (dessin) et Hubert (couleurs et scénario), éditions Glénat, collection 1000 Feuilles 128 pages, 20 € Parution : 25 octobre 2023
L’exposition Ma Vie Posthume de Fred Zanzim est présentée à l’Antipode de Rennes, Parvis Agnès Varda – 75 avenue Jules Maniez, jusqu’au samedi 25 novembre 2023. (accès et horaires)
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