Morituri te salutant. Manouchian et les commandos de l’Affiche rouge

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Fin 1942. Paris occupé par les Allemands. L’ouvrier poète Missak Manouchian prend la tête d’un groupe de jeunes juifs, hongrois, polonais, roumains, espagnols, italiens, arméniens, tous déterminés à combattre pour libérer la France. Dans la clandestinité et au péril de leur vie, les membres de ce groupe vont devenir des héros. Leurs actions : harceler l’occupant, dérailler les chemins de fer, arrêter les dénonciateurs. Les services spéciaux de la police anticommuniste de l’État vichyste, le B1 et le B2 installés à la préfecture de police de Paris depuis août 1942, sous les ordres du chef de la police de la sécurité, et de deux agents, Roger et Albert, infiltrés dans les organisations immigrées, permettent les arrestations des 23 combattants de la première section parisienne de l’Armée secrète, fin novembre 1943. Le 21 février suivant, les membres du groupe de Manouchian sont condamnés à mort. Les nazis vont faire de cette arrestation une propagande outrageuse et placarder des affiches de ces hommes, transformés en criminels, sur les murs du Tout-Paris et dans la France entière : « l’armée du crime ». Le jour même, à 15 heures, au mont Valérien, des salves de balles vont cribler les corps de ces résistants. Arsène Tchakarian, dernier survivant de ces clandestins, continue à faire vivre la mémoire de la Résistance et pose la question sans détours. Il donne le nom du coupable, celui qui a sonné la mort de ces compagnons de l’ombre.

La Main-d’œuvre immigrée était une organisation syndicale dépendant de la CGTU (Confédération générale du travail), regroupant les travailleurs immigrés  dans les années 1920. Elle s’appela d’abord MOE (Main d’œuvre étrangère) puis MOI souvent prononcée « Moye » par ceux pour qui le Français fut longtemps une langue étrangère. Elle regroupait par langues, ces ouvriers venus de toute l’Europe et que la France, confrontée à des « classes creuses » du fait du premier conflit mondial accueillait pour la reconstruction des zones dévastées par le conflit et dans les secteurs agricoles ou industriels en manque de bras. Cette main d’œuvre souvent exploitée, ayant parfois déjà un passé politique sur leurs terres natales constituait un terreau de choix pour le Parti Communiste Français.

Certains rejoignirent et s’aguerrirent, au temps de la Guerre d’Espagne, dans les rangs des Brigades Internationales. Après l’invasion de l’URSS par les troupes allemandes, le PCF déjà passé dans la clandestinité, rejoignit officiellement la lutte contre les nazis.  Les Francs-Tireurs Partisans est le nom du mouvement créé à la fin de 1941 regroupant diverses structures communistes à vocation militaire dont les « groupes spéciaux » de la  MOI sous la direction de Charles Tillon. 

Ces combattants de l’ombre sont juifs, hongrois, polonais, roumains, espagnols, italiens, arméniens et souvent très jeunes. Beaucoup ont une expérience politique et certains ont déjà combattu en Espagne. Tous vivent dans une clandestinité miséreuse et leur armement est des plus sommaire. Ils combattent sans illusion et déjà le « dos au mur ». La plupart resteront de total inconnus dont on ne connaît aujourd’hui que leurs matricules. Leurs actions : harceler l’occupant, faire dérailler les chemins de fer, éliminer les dénonciateurs et les collaborateurs, vont mettre l’occupant à cran.

Le livre écrit par Arsène Tchakarian assisté d’Hélène Kosséian s’est fixé comme objectifs de reconstituer les actions de ces petits groupes de 3 à 6 combattants de mars à novembre 1943, retrouvant la place de chaque combattant en fonction de la configuration du site et des impératifs de l’action. Refaisant les itinéraires empruntés après l’assaut et minutant le temps de leur retraite. Pour cela il croisé quelques témoins inattendus qui lui ont fourni de précieux renseignements et même rencontré les familles des fusillés. Le rôle des femmes dans ces actions est souligné, ce sont elles qui amènent armes et grenades aux combattants puis les récupèrent pour les confier à l « armurier » du groupe qu’aucun d’entre eux ne connaît pour respecter les règles de la clandestinité.

Olga Bancic qui sera décapitée en Allemagne est l’ange tutélaire de ces missions. Beaucoup de ces hommes accompliront une ou plusieurs de ces missions puis disparaîtront dans les tourments de la guerre sans que l’on ne sache rien de leur destin. Infiltrés par les services spéciaux de la police anticommuniste française, installés à la Préfecture de Police de Paris depuis août 1942, le groupe pour son noyau principal tombera fin Novembre 1943.Lire ces pages redonne un peu de vie à Spartaco Fontanot, Celestino Alfonso, Olga Bancic, Arpent Tavitian, Marcel Rayman, Maurice Fingercwajg, Roger Rouxel, Georges Cloarec, Lajb Goldberg, Robert Wichita, Haïk Tebiria et tous les autres de l’Affiche Rouge. A ceux qui douteraient d’un engagement au-delà de leurs convictions politiques ou qui feraient un amalgame avec quelques terroristes, on rétorquera qu’ils combattaient et sont morts pour la Liberté, l’Egalité et la Fraternité.

Les commandos de l’Affiche rouge Arsène Tchakarian, Hélène Kosséian, Éditions du Rocher, 2023, 20€.

https://www.youtube.com/watch?v=tLt6j_vEf8s
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Marc Gentili
Marc Gentili vit à Rennes où il exerce sa mission de médecin anesthésiste. Il est passionné par les sciences humaines et le cinéma.

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