Municipales 2026 à Rennes : quel scénario pour le second tour à Rennes ?

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mairie rennes

À quatre mois des élections municipales de mars 2026, Rennes s’apprête à vivre un scrutin décisif. Ville depuis longtemps bastion socialiste, la capitale bretonne voit s’aiguiser les appétits et se multiplier les candidatures. Dans un contexte social marqué par la crise du logement, la précarité étudiante et les débats relatifs à la sécurité, ce scrutin pourrait reconfigurer durablement l’équilibre politique rennais. En attendant les différents projets municipaux, le jeu des alliances a eu lieu et aura encore peut-être lieu…

Repères – Municipales 2026 à Rennes

  • Dates : 15 & 22 mars 2026 (décret du 27 août 2025).
  • PS : Nathalie Appéré a annoncé se présenter à un troisième mandat le 20 novembre 2025.
  • Centre-droit  : Charles Compagnon (Horizons) a fusionné sa liste le 24 septembre avec Carole Gandon (Renaissance), le MoDem 35 ainsi que l’UDI, Territoire de Progrès et le Parti Breton dans le collectif Vivre Rennes dès le premier tour. 
  • LR : Thomas Rousseau conduit la liste « L’Espoir rennais » (Les Républicains). 
  • LFI : Marie Mesmeur & Gwénolé Bourrée désignés chefs de file (juin 2025). Marie Mesmeur est désignée tête de liste le 21 novembre 2025.
  • EELV : projet porté collectivement par la liste Confluences (soutenu par UDB et Nouvelle Donne) ; deux porte-paroles : Gaëlle Rougier & Priscilla Zamord.
  • PS–EELV–PC : Alliance officialisée avec les écologistes le 18 octobre 2025 puis le 14 novembre avec les communistes.
  • RN : Julien Masson, tête de liste officielle avec l’intégration d’un ex-directeur de la police dans l’équipe pour crédibiliser le thème sécurité.
  • Liste citoyenne : initiatives indépendantes en cours de structuration, impact à confirmer. Le Parti animaliste constitue une liste nationale, liste rennaise à confirmer. Erell Duclos est tête de liste du collectif trotskyste révolutionnaire Révolution Permanente
    –> Rappel des règles du scrutin : Une liste doit atteindre 10 % pour se maintenir au 2e tour, 5 % pour fusionner avec une autre. La répartition des sièges se fait avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête, puis répartition des sièges restants à la proportionnelle.

Le comité électoral de LFI a confirmé le 21 novembre 2025 la députée Marie Mesmeur (1ère circonscription d’Ille-et-Vilaine) tête de liste pour conduire la campagne rennaise. Mais la partie est loin d’être gagnée pour LFI, notamment en raison du clivage que suscite dans l’opinion le leadership contesté de J.-L. Mélenchon et des fortes dissensions internes que connaît la section de Rennes. Ainsi, l’insoumis Ulysse Rabaté, battu lors de la désignation des chefs de file de LFI Rennes, mène sa propre liste « Rennes Commune »..

Samedi 18 octobre 2025, les écologistes rennais réunis dans le collectif Confluences (EELV-UDB-ND) ont validé une alliance avec le Parti socialiste dès le premier tour. Les militants de LFI accusent mal le coup car ils savent que leur chance d’obtenir des positions futures est désormais réduite. Les vieux copains écolos ont préféré jouer la carte de la majorité plutôt que d’opter pour une alliance avec une section LFI rennaise minée par les guerres intestines. C’était attendu et de bonne guerre politicienne…

6 novembre 2025 – Présentation de Julien Masson comme tête de liste RN à Rennes avec l’intégration d’un ex-directeur de la police dans l’équipe afin de crédibiliser le thème sécurité.

14 novembre 2025 : sur les 127 adhérents qui constituent la section du PC à Rennes, 117 militants communistes se sont exprimés pour rejoindre la liste de la majorité municipale sortante, qui a accepté.

14 novembre 2025 : Charles Compagnon, 52 ans, conseiller municipal d’opposition et entrepreneur rennais, annonce officiellement sa candidature à la mairie de Rennes pour les municipales de 2026, depuis la dalle Kennedy à Villejean, lieu de la fusillade du 17 avril. Il fait de cet épisode un moment fondateur de son engagement contre la peur et le sentiment d’abandon dans les quartiers populaires. Il oppose sa « méthode Compagnon » – écoute de terrain, débats assumés, propositions concrètes – à ce qu’il décrit comme « onze ans de renoncements » et de communication sous Nathalie Appéré, qu’il accuse de déni au sujet de l’insécurité, de la saleté, de la bétonisation, de l’urbanisme, des finances et de la dégradation des services publics.

vivre rennes compagnon

Son projet s’articule autour de trois priorités :

  1. Un cadre de vie qui protège et rassemble
    – Doublement et armement de la police municipale, formation renforcée
    – Extension de la vidéoprotection et « tolérance zéro » pour les incivilités
    – Création de quatre commissariats mixtes (police nationale + municipale) à Villejean, Maurepas, le Blosne et Cleunay, afin que « la peur change de camp ».
  2. Une ville durable, apaisée et accessible
    – « Écologie du quotidien » avec plus d’îlots de fraîcheur et d’espaces verts, désimperméabilisation des sols
    – Arrêt de la bétonisation jugée « non concertée », limitation des tours
    – Logements accessibles pour ménages et étudiants, mobilités facilitées et réseau express vélo renforcé.
  3. Une ville qui travaille et qui rayonne
    – Lutte contre un chômage pouvant atteindre 30 % dans certains quartiers en reconnectant entreprises, écoles et jeunesse
    – Soutien aux artisans, commerçants, associations, développement industriel et technologique (références à « Safran 2, 3 et 4 »)
    – Défense de la patinoire Le Blizz, volonté d’un grand stade et d’un Zénith pour renforcer le rayonnement culturel et sportif de Rennes.

Au plan politique, Charles Compagnon (voir notre chronique de son livre de campagne) promeut la bannière « Vivre Rennes ! » avec Carole Gandon et un rassemblement qu’il présente comme inédit, lequel va de la social-démocratie à la droite républicaine et à la société civile, sans alliance avec « les extrêmes ». Il décrit ce bloc comme une union de conviction, opposée aux « alliances de façade » qu’il attribue à la majorité actuelle. Il se pose en candidat du terrain et des habitants plutôt que des partis, et conclut sur un appel à « l’alternance » et à un « nouveau souffle » pour que les Rennaises et les Rennais puissent « Vivre Rennes pleinement, librement, ensemble ».

Jeudi 20 novembre 2025

La maire socialiste de Rennes, Nathalie Appéré, a mis fin au faux suspense en confirmant, au Grand Huit de Rennes, devant la presse invitée, qu’elle comptait briguer un troisième mandat lors des municipales de 2026, tout en donnant « rendez-vous en janvier » pour l’officialisation de sa candidature et le lancement formel de sa campagne.

Nathalie Appéré et douze formations de gauche et d’extrême-gauche, notamment communiste et écologiste, lancent « Rennes Solidaire », plateforme commune en vue des municipales de mars 2026. Autour du Parti socialiste, des militants écologistes, du PCF, de Génération•s, de Place Publique, du Mouvement radical, de l’UDB, de Nouvelle Donne et de plusieurs collectifs citoyens, cette union revendique un socle de valeurs partagé : égalité, justice sociale et climatique, défense des services publics et des communs. Nathalie Appéré a confirmé qu’« au moment venu » elle sera candidate pour un troisième mandat, en s’appuyant sur un bilan qu’elle juge cohérent (végétalisation, logements, mobilités, éducation, santé) et sur la promesse d’amplifier la transformation de la ville. Dans les semaines à venir, Rennes Solidaire engagera une large démarche de concertation avec les habitants (réunions, échanges, contributions citoyennes) afin de construire un programme jugé ambitieux et fidèle à « l’esprit d’ouverture et de partage » de Rennes. A suivre…

…en janvier, soit quelques semaines avant les élections, pour découvrir le programme de la liste rouge-rose-verte-autonomiste-bretonne.

Alors ?…

…Quel scénario pour le premier tour à Rennes ?

Des facteurs pondérants
-> La forte croissance démographique, la crise du logement et la précarité étudiante influenceront le scrutin, tout comme la sécurité. Les Rennais restent en attente du projet municipal de chaque liste.
-> Si les projets municipaux s’avèrent peu convaincants ou, pire, anémiés car au seul service du jeu des alliances, cela n’ajoutera qu’au désintérêt, voire au dégoût des électeurs à l’égard des candidats et de cette élection*.
-> En fonction, des jeunes et moins jeunes inscrits issus des quartiers estudiantins ou prioritaires de Rennes vont-ils se mobiliser ?
C’est une importante variable imprévisible du scrutin.
-> Le cas échéant, leur vote ira à LFI (Français d’origine immigrée aux revenus faibles ; en particulier de confession musulmane qui exprimeront leur soutien à Marie Mesmeur après sa participation à la flottille pour Gaza) et au RN (Français d’origine locale déclassés et une partie de jeunes de 18 à 24 ans qui éprouvent un sentiment d’abandon peu ou prou corrélé à une islamisation de la société et à une explosion de la délinquance que la municipalité comme la préfecture bretonnes peinent à endiguer).
-> Pour autant, dans un climat socialement tendu, les craintes économiques nationales et géo-stratégiques pourraient inciter certains électeurs ancrés à gauche mais hésitants à privilégier la stabilité républicaine incarnée par Nathalie Appéré au détriment de l’alternative LFI radicale. A contrario, des écolos déçus par la politique de la majorité vont voter LFI.

> Bref, il y a un delta d’au moins 7 % d’électeurs susceptibles de voter aussi bien LFI que PS–PC–EELV–UDB. Ils seront l’objet de toutes les convoitises des militants des deux bords durant la campagne, car leur vote au premier tour constituera une variable capitale dans la confirmation de l’alliance PS–PC–EELV–UDB.

Voilà nos projections des tendances du premier tour [à l’heure actuelle*] :

La liste rouge-rose-verte-autonomiste-bretonne PC – PS – EELV – UDB pourrait atteindre entre 38 et 45 %.
À l’extrême gauche radicale, LFI (Mesmeur/Bourrée ) entre 10 et 15 % et quelques voix à Ulysse Rabaté et Erell Duclos.
La coalition centre-droit, la liste de Charles Compagnon, Carole Gandon, M.-P. Vedrenne et Nicolas Boucher peut espérer 28 à 34 %.
À droite, le LR Thomas Rousseau avec sa liste L’Espoir rennais serait entre 4 et 6 %.
Enfin, à l’extrême droite, le RN de Julien Masson pourrait franchir le seuil des 5 % (et même largement en cas d’accélération de la dégradation sociétale du rapport à l’islam chez une partie croissante de Français, y compris Rennais).

Au second tour, la triangulaire suivante paraît [à l’heure actuelle] probable :

PS–EELV–PC–UDB (45-55 %), LFI (10-15 %) et coalition centre-droit-droite (38–46 %).

Cela étant, si LFI ne passait pas la barre des 10 % au premier tour ou bien en raison d’une alliance de circonstance avec le PS (leurs représentants respectifs se détestent chaudement, mais l’appât du gain pourrait se révéler le plus fort), on aurait la situation suivante :

En cas de duel :

PS–EELV–PC–UDB–(LFI) (54-59 %) et coalition centre-droit-droite (41–46 %).

Dernière alternative, peu probable, mais pas improbable :
Une alliance du LR Thomas Rousseau avec le RN Julien Masson.
Si les deux listes étaient conduites à dépasser les 5 % au premier tour, ce qui est possible.
Ces deux têtes de liste pourraient vouloir tenter de négocier avec le centre droit, mais la vision politique des leaders de Vivre Rennes étant tout à fait républicaine, le trio Compagnon-Gandon-Boucher est incompatible avec des idées extrémistes (d’extrême droite tout autant que d’extrême gauche).
En pratique, une liste LR–RN au second tour réunirait, à notre avis, beaucoup moins de votes que le cumul de leurs deux scores respectifs du premier tour.
En revanche, cela finirait d’assurer la victoire de l’arc gauche–communiste-ecolo-autonomiste conduit par Nathalie Appéré.

–> Par ailleurs, en 2026, à Rennes comme ailleurs, la question n’est plus seulement de savoir qui s’alliera avec qui, mais qui est prêt à signer noir sur blanc un socle minimal en réponse aux aggressions de Poutine.

Dès lors, une exigence élémentaire devrait s’imposer à tous les candidats — notamment aux candidats PC, LFI et RN — un engagement public d’opposition à la Russie poutinienne et de soutien à l’Ukraine. À l’heure où la perspective d’un conflit prolongé avec Moscou ne relève plus de la fiction, il serait paradoxal que Rennes se choisisse une majorité locale floue ou ambiguë sur ce point.

Charte d’engagement en réponse aux agissements hostiles de Moscou

  1. Nommer le régime
    Reconnaître explicitement que la Russie postsoviétique de Vladimir Poutine est un régime autoritaire, responsable d’une guerre d’agression contre l’Ukraine et qu’elle représente aujourd’hui une menace majeure pour la sécurité nationale et européenne.
  2. Reconnaître le droit de l’Ukraine à se défendre
    Affirmer sans ambiguïté que l’Ukraine a le droit de défendre son intégrité territoriale et que la France et l’Europe ont intérêt à ce qu’elle ne soit pas réduite à un protectorat russe.
  3. Refuser toute dépendance envers Moscou
    S’engager à ne solliciter ni accepter aucun financement, direct ou indirect, lié à des intérêts russes et/ou au pouvoir poutinien, et à rendre publiques toutes les relations officielles entretenues avec ses représentants.
  4. Ne pas relayer la propagande du Kremlin
    S’interdire de reprendre les éléments de langage russes (dénazification, relativisation des crimes de guerre, inversion des responsabilités) et s’engager à lutter contre les relais de désinformation pro-Kremlin et toute forme d’ingérence.
  5. Assumer la solidarité avec les victimes du régime
    Affirmer le soutien durable aux Ukrainiens, aux opposants russes et aux exilés des régimes alliés de Moscou, y compris à l’échelle locale (accueil, coopération, mémoire), comme un devoir politique et moral.

*

Données de référence
Population de Rennes (2025) : ~226 000 habitants.
Population majeure (18 ans et +) : environ 170 000 personnes.
Inscrits sur les listes électorales (2020) : ~111 000.
→ Cela signifie qu’environ 35 % des majeurs rennais n’étaient pas inscrits (soit par choix, soit par déménagement non signalé, soit par désintérêt).

Impact sur la légitimité électorale
Prenons le scénario le plus “fort” de ces 20 dernières années à Rennes :
Daniel Delaveau en 2008 : 39 500 voix.
Rapporté aux inscrits : 36,5 %.
Rapporté à l’ensemble des majeurs (inscrits + non-inscrits) : environ 23 %.

Le cas le plus faible :
Nathalie Appéré en 2020 : 32 528 voix.
65,35 % au 2d tour
Rapporté aux inscrits : 29,3 %.
Rapporté à l’ensemble des majeurs : 19 %.
Abstention : 68,32 %

Avec abstention seule, un maire de Rennes est élu avec autour de 1/3 des inscrits.
Avec abstention + non-inscrits, entre 19 et 23 %.

Municipales 2020 (1er tour, liste EELV seule menée par Matthieu Theurier)
Résultat : 25,4 % des exprimés
Voix : 11 725
Inscrits : ~111 000
Abstention : 63 %
→ 10,5 % des inscrits
→ environ 6,9 % des majeurs rennais (si on rapporte aux ~170 000 adultes)

* En 2014, près de la moitié des Rennais se sont abstenus de voter et 68,32 % en 2020 (le COVID n’a pas aidé). Ce qui aurait dû et devrait alerter quant à la crise de la représentation élective en France et la nécessaire refondation plus élargie, plus populaire et dynamique de l’expression politique. Pourtant, peu de choses bougent, la classe politique française et ses 600 000 élus ne se remettent pas ou que peu en question, la moyenne générale des qualités intellectuelles et des capacités visionnaires des élus accuse un large repli aux yeux de l’opinion qui se méfie toujours plus du personnel politique, et le militantisme politique est en train de se recomposer dans de nouvelles expressions en communautés et réseaux en marge des processus institutionnels hérités de la Ve République.

La France compte 600 000 élus pour 69 millions d’habitants ; la Chine compte 2,6 millions d’élus (soit 4 fois plus) pour une population de 1,4 milliard (soit 20 fois plus). À la Chambre des représentants américaine, on trouve 435 représentants et au Sénat, 100 sénateurs. En France, entre l’Assemblée nationale et le Sénat, on arrive à 925 parlementaires, soit 1,7 fois plus qu’aux États-Unis pour une population 5 fois inférieure. Bref, on a 1 élu pour 100 habitants en France contre 1 pour 500 en Allemagne, 1 pour 550 en Chine, 1 pour 600 aux États-Unis. La réduction en France à 150 000 élus entraînerait une économie annuelle de 4 milliards d’euros selon la fondation IFRAP.

  • * estimations internes sans sondage public local