Jusqu’au 31 août 2025, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme dans le 3e arrondissement de Paris expose Alfred Dreyfus – Vérité et justice, une affaire qui a bouleversé l’Histoire de la France, il y a 130 ans.
Dans la cour du Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, le public est accueilli par Hommage au Capitaine Dreyfus, la statue de bronze d’Alfred Dreyfus, réalisée par le sculpteur français d’origine polonaise Louis Mitelberg, alias Tim (1919-2002), avant de pénétrer dans l’exposition Alfred Dreyfus-Vérité et justice. Entre ces murs est révélé le combat acharné du capitaine juif Alfred Dreyfus, jugé coupable de haute trahison, au profit de l’Allemagne, avec circonstances atténuantes par un tribunal militaire, et condamné à la déportation au bagne de Guyane. Il faudra sept ans pour lutter pour sa réhabilitation et pour faire éclater la vérité…
Orchestrée par Isabelle Cahn, conservatrice générale des peintures au musée d’Orsay et par Philippe Oriol, directeur scientifique de la Maison Émile Zola-Musée, elle s’appuie principalement sur le riche fonds Dreyfus et sur des prêts d’institutions. Mais elle a aussi reçu le soutien des Archives nationales ; de la Bibliothèque nationale de France ; du musée de l’Armée ; du Barreau de Paris ; du musée Carnavalet. Au total, près de 250 documents d’archives, de photographies et d’extraits de films, montre dans une approche innovante un capitaine Dreyfus au centre du propos. Elle corrige ainsi l’image d’un homme effacé et démontre un infatigable combattant de la vérité, auteur de multiples écrits dont des inédits sortis de l’oubli.
Une soixantaine d’œuvres d’art illustrent aussi cette exposition : Jacques-Émile Blanche (1861-1942) ; Gustave Caillebotte (1848-1894) ; James Tissot (1832-1902) ; Eugène Carrière (1849-1906) ; Émile Gallé (1846-1904) ; Maximilien Luce (1858-1941) ; Camille Pissarro (1830-1903) ; Félix Vallotton (1865-1925) ; Édouard Vuillard (1868-1940)…
Biographie d’Alfred Dreyfus :
Alfred Dreyfus vient au monde le 9 octobre 1859 à Mulhouse (68) dans une famille alsacienne juive et bourgeoise, marquée par la défaite de 1871 et l’annexion de l’Alsace-Moselle par la Prusse. Son père Raphaël est propriétaire d’une petite filature de coton et d’une usine de tissage. Sa mère étant souffrante depuis sa naissance, c’est sa sœur aînée Henriette qui joue le rôle de mère pour Alfred Dreyfus. Fervent patriote, Alfred Dreyfus ressent la défaite de la France et la perte des trois départements : la Moselle, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin comme une humiliation ; il nourrit un désir de revanche qui le pousse à choisir une carrière militaire. La famille quitte l’Alsace, seule option pour conserver la nationalité française, et s’installe à Bâle en Suisse. Alfred Dreyfus est envoyé à Paris pour passer son baccalauréat ; il réussit le concours pour entrer à l’Ecole polytechnique en 1878.
Alfred Dreyfus mène alors une brillante carrière militaire. En 1882, il est nommé lieutenant au 31e régiment d’artillerie du Mans ; fin 1883, il est affecté aux batteries à cheval de la première division de cavalerie de Paris. En 1889, il est nommé capitaine au 21e régiment d’artillerie ; il entre à l’École de guerre à l’automne 1890. La même année, Alfred Dreyfus vient d’épouser Lucie Hadamard, originaire de Metz (57) le 18 avril 1890. Le couple aura deux enfants : Pierre né en 1891 et Jeanne née en 1993. Le 1er janvier 1893, Alfred Dreyfus reçoit le grade de capitaine.
L’affaire Dreyfus :
Le service d’espionnage de l’armée découvre en septembre 1894 un bordereau révélant qu’il existe un traître dans l’armée française. En raison de son écriture, Alfred Dreyfus passe pour le suspect idéal ; il est arrêté le 15 octobre 1894 et incarcéré. Le 19 décembre 1894, Alfred Dreyfus passe en conseil de guerre. Trois jours plus tard, il est reconnu coupable d’être l’auteur de la lettre et de haute trahison au profit de l’Allemagne. Il est dégradé le 5 janvier 1895 devant une foule hostile qui crie des insultes comme celle de : Mort au juif ! Après un court séjour à la prison de la Santé et un autre de 36 jours à Saint-Martin-de-Ré, il est déporté en Guyane sur l’île du Diable le 8 mars 1895.
Les conditions de détention sont pénibles ; de jour comme de nuit, Alfred Dreyfus est consigné dans sa case où il souffre de la chaleur, de la sécheresse et de la solitude : son moral est bas et sa santé décline, mais il entretient cependant un journal dès le mois d’avril !
Deux ans plus tard, en mars 1896, Georges Picard, chef du service de renseignements intercepte un document : le petit bleu, qui ne laisse aucun doute sur les accointances de son auteur, le commandant Ferdinand Walsin Esterhazy avec l’ambassade d’Allemagne. Il découvre aussi que le dossier secret comporte des pièces couvertes par le secret militaire, communiqué au conseil de guerre pendant le délibéré à l’insu de la défense ; il est vide de preuves. L’écrivain Émile Zola publie : J’accuse, le 13 janvier 1898, une lettre adressée au président Félix Faure, où il affirme que Dreyfus est innocent. L’écrivain Charles Péguy se rallie aussi à la défense d’Alfred Dreyfus ! Les preuves produites par le ministre de la Guerre se révèlent être des faux. L’auteur de ces fausses pièces, le Colonel Hubert Henri, reconnaît les faits le 30 août 1898 : elles visaient à condamner Alfred Dreyfus.
Dreyfus est rapatrié pour être jugé par un second conseil de guerre à Rennes (35). Le procès public débute le 7 août 1899. Le jury le reconnaît à nouveau coupable de trahison, mais lui accorde le bénéfice de circonstances atténuantes le 9 septembre 1889, mais Emile Loubet président de la République accorde la grâce à Alfred Dreyfus le 19 septembre 1899.
Alfred Dreyfus est réhabilité en 1906, mais ne sera pas réintégré au grade auquel il aurait légitimement pu prétendre.
L’exposition Alfred Dreyfus-Vérité et justice démonte la machination de l’État-major de l’époque et illustre le virulent antisémitisme qui s’exprime en cette fin de XIXe siècle. Elle éclaire aussi les aspects moins connus : la diversité des réactions juives, la naissance des intellectuels et la riposte à l’antisémitisme. L’affaire Dreyfus révèle également le rôle de l’Église catholique dans la manipulation de l’opinion publique et des institutions, qui renforcent les arguments en faveur de la séparation de l’Église et de l’État en 1905.
130 ans plus tard, l’exposition permet d’appréhender l’actualité persistante de l’Affaire, dans un contexte de regain de l’antisémitisme, alors que l’innocence d’Alfred Dreyfus fait encore l’objet de polémiques complotistes…
Infos pratiques :
Exposition Alfred Dreyfus-Vérité et justice, jusqu’au dimanche 31 août 2025
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme – Hôtel de Saint-Aignan – 71 Rue du Temple, 3e arrondissement de Paris
Jusqu’au mercredi 2 juillet 2025 : samedi et dimanche de 10 h à 19 h ; mercredi de 11 h à 21 h ; mardi, jeudi et vendredi de 11 h à 18 h
Du jeudi 3 juillet au dimanche 31 août 2025 : samedi et dimanche de 10 h à 18 h ; du mardi au vendredi de 11 h à 18 h
Tarifs : entre 13 et 5 euros – gratuit pour les moins de 18 ans, les étudiants, les handicapés et les minimas sociaux
Contact : au 01 53 01 86 57 (lundi et mercredi de 10h30 à 13h)