L’Égypte, le Caire en particulier, a inspiré de nombreux auteurs. Si l’on se réfère aux plus locaux et non des moindres, on se rappellera Albert Cossery, le dandy de Saint-Germain-des-Prés, Naguib Mahfouz (Prix Nobel de littérature) et Alaa Al-aswani et son Immeuble Yacoubian. Plus récemment, et dans le genre polar, est venu s’adjoindre un autre romancier Parker Bilal, pseudonyme d’un écrivain britannique d’origine soudanaise Jamal Mahjoub, auteur reconnu de plusieurs romans primés : on citera La navigation du faiseur de pluie, Le télescope de Rachid, Le train des sables. Géologue de formation, journaliste et romancier, Jamal Mahjoub a vécu dans différents pays, notamment Grande-Bretagne, Soudan, Égypte, Danemark.
Son héros s’appelle Makana. Il rappelle dans un registre oriental le « private eye » des premiers romans noirs dont Marlowe de Chandler ou le Continental Op de Dashiell Hammet sont les archétypes. Ancien policier soudanais réfugié au Caire, victime de l’islamisation du régime de Khartoum ayant perdu femme et enfant, il survit au Caire dans une « élégante pauvreté », grâce aux enquêtes que lui confient des particuliers soucieux de discrétion et à la relative protection d’un officier de police qui a reconnu son inestimable expérience et surtout son intégrité. Les romans de Parker Bilal traitent d’une Égypte où le petit peuple souffre de l’oppression d’une minorité médiocre et corrompue : politiciens véreux, fonctionnaires stipendiés, affairistes sans scrupule, religieux hypocrites.
La description de cette Égypte renvoie bien sûr aux écrivains cités en préambule, c’est une Égypte bien loin des catalogues de voyage et on ne peut que recommander au lecteur pour agrémenter sa lecture l’excellent film Le Caire confidentiel (The Nile Hilton Incident), réalisé par Tarik Saleh et sorti en 2017 où un autre anti-héros, policier celui là, affronte la bêtise crasse et la corruption endémique d’un pays pourtant magnifique.
Les enquêtes de Makana, homme sensible et intelligent traversé par la souffrance de la perte de son épouse et de sa fille, valent bien d’autres par la complexité de l’intrigue et surtout par une profonde connaissance de la géopolitique du Moyen-Orient et du poids de l’islamisme pour ne pas dire l’Islam tout court. Tout autour de lui quelques relations fidèles voire bonhomme Sami le journaliste indépendant, Sinbad le taxi garde du corps, l’inspecteur Oshaka… tout un monde à découvrir.
Plus récemment et pour ne pas sombrer dans le marasme qui guette l’auteur à succès, Parker Bilal a entamé une nouvelle série policière, loin du Caire et qui fait intervenir deux personnages là encore sur le « brasier », le sergent Khal Drake et le docteur Rayhana Crane experte en psychologie médicolégale qui se retrouvent mêlés à des enquêtes tordues dans le Londres capitaliste du 21e siècle. On est bien loin de Conan Doyle et du Chien des Baskerville, les héros subissent leurs névroses, l’un est musulman tenté dans sa jeunesse par le radicalisme, l’autre juive d’origine iranienne : un cocktail d’émotions et de frustrations pour le plus grand plaisir du lecteur.
OUVRAGES PARUS
ENQUÊTES DE MAKANA :
*Les Écailles d’or (2016)
*Meurtres rituels à Imbaba (2016)
*Les Ombres du désert (2017)
*Le Caire, toile de fond (2018)
*La Cité des chacals (2020)
ENQUÊTE DE RAYHANA CRANE :
*Les Divinités (2021)
*The Heights (pas encore traduit)
En poche : Seuil policier, Point policier, Gallimard série noire