Ramata d’Abasse Ndione, un polar ? Plutôt un roman ethnographique pour ne pas dire plus…
Peut-on parler de polar pour ce Roman avec un grand « R » ? Car bien sûr il y a des morts et pas seulement cette clocharde découverte au petit matin près d’une plage… Bien sûr il y a de la violence, d’autres morts, des crapules et des flics mais ce n’est peut-être pas le plus important… tellement ce livre est foisonnant et nous dit de choses du Sénégal post-colonial, mais il aurait pu se passer dans n’importe quel pays de l’Afrique de l’Ouest et sans doute de toute l’Afrique sub-saharienne….
La dimension sociale, religieuse, ethnique et même ethnographique y est très présente. L’histoire principale est celle d’une injustice, d’un mensonge responsable de la mort d’un homme dont le seul tort est d’être consciencieux dans une Afrique ou l’injustice est bien souvent la règle, ou le petit doit plier devant le Puissant qui a remplacé le Colon… Cette mort reviendra par ses conséquences frapper en Boomerang les principaux responsables. Près d’un bar, une femme est découverte morte et un clochard, sorte de griot, propose au narrateur moyennant du vin et des cigarettes de lui raconter, au cours d’une longue nuit alcoolisée, l’histoire pathétique de Ramata, cette femme autrefois si belle, désirable, riche et puissante.
Le roman est passionnant à plus d’un titre : le déroulé de l’initiation des jeunes filles est une riche découverte pour le lecteur… les troubles psychologiques pour ne pas dire plus de l’héroïne rappellent certains thèmes des romans « ethnopsychiatriques » de Tobie Nathan tels Saraka Bô ou 613. Ce livre parmi beaucoup d’autres montre la richesse littéraire de l’Afrique Francophone. On ne peut que conseiller la lecture des autres romans d’Abasse Ndione et pourquoi pas de relire Tobie Nathan.
Ramata, Folio Policier, 2023, 9,70 euros
La Vie en spirale, Gallimard, Série noire, 1998
Mbëkë mi, Gallimard, coll. Continents noirs, 2008
Saraka Bô et 613 de Tobie Nathan, Rivages Noirs