Rennes soutient la culture ludique, se félicite Selene Tonon

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Le Festival Rennes en jeux dans le couvent des Jacobins © La Toile Ludique Rennaise

En juillet 2020, la capitale bretonne s’enrichit d’une délégation à la culture ludique, une reconnaissance pour les acteurs du secteur engagés à inscrire le territoire dans une dynamique de jeu. Au moment des Semaines en jeux et avant le festival Rennes en Jeux, Unidivers a rencontré Selene Tonon, conseillère municipale déléguée aux musées, à la lecture publique et à la culture ludique afin de comprendre le regard de la Ville sur ces enjeux. 

Selene Tonon
Selene Tonon

C’est à Nice que Selene Tonon voit le jour en 1987. Elle vit près d’Aubagne jusqu’à ses 13 ans puis monte à Roubaix pour le lycée. Après le bac, en 2005, elle dépose ses valises à Rennes pour intégrer l’INSA, où elle devient rapidement responsable du club de jeux de rôle de l’école. Passionnée de jeux depuis qu’elle est enfant, Selene Tonon est aujourd’hui conseillère municipale déléguée aux musées, à la lecture publique et à la culture ludique. De mémoire, son premier engagement citoyen, dans les années 90, concerne… le jeu de rôle qui connait à cette époque une campagne médiatique de dénigrement. Son goût de la rencontre et de la pédagogie la conduit notamment à échanger avec des parents d’élèves afin de les rassurer quant à la pratique du jeu de rôle. Bref, il s’agit de déconstruire les préjugés qui entoure ce format de jeu pas toujours bien connu, voire encore stigmatisé.

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Selene Tonon, conseillère municipale déléguée aux musées, à la lecture publique et à la culture ludique

Unidivers – La délégation aux cultures ludiques est une nouveauté du mandat de 2020 de Nathalie Appéré. Qu’est-ce qui est… en jeu ? 

Selene Tonon – Comme pour le cinéma ou la littérature, le jeu n’est pas uniquement un loisir, mais aussi une forme culturelle. Chacun peut ouvrir un livre pour se distraire et s’évader, mais le jeu offre, durant sa réalisation, en plus de l’évasion un moyen d’échanger avec d’autres personnes qu’on n’aurait peut-être jamais croisées. Plus encore, en jouant, on échange avec les autres personnes qui jouent, mais aussi avec les créateurs du jeu qui l’ont pensé dans un esprit de transmission. C’est une façon de faire culture ; d’où mon sentiment qu’il y a une forme de création artistique dans le jeu, et qu’en jouant, non seulement on apprend des uns et des autres et des créateurs du jeu, mais en plus on communie avec son époque. 

Unidivers – En quoi consiste vos missions d’élue municipale déléguée à la culture ludique de Rennes ? 

Selene Tonon – Je conçois mon travail comme création de liens autour de la table. D’une part, entre les différents services de la ville : la Direction Culture, la DAJE (Direction Association Jeunesse Égalité), la Direction des Sports pour la question de l’e-sport, la DEE (Direction Éducation Enfance), le CCAS, pour ne citer qu’eux. D’autre part, avec les acteurs ludiques du territoire. En effet, j’entretiens des relations étroites avec les équipes et, en particulier, avec les présidents des associations. Je m’occupe du suivi des événements et de la mise en relation des acteurs afin de créer des rencontres. L’association 3 Hit Combo, à l’origine du Stunfest [festival de jeux vidéo à Rennes, ndlr], a par exemple rencontré la Toile Ludique Rennaise, en charge de Rennes en Jeux. Les interlocuteurs étaient ravis de cet espace d’échange.

Au-delà, je souhaite encourager un modèle à l’image de la Toile Ludique Rennaise : un modèle fédéral avec une équipe d’administration formée des différents acteurs ludiques associatifs et commerciaux du territoire. C’est une grande richesse, car il produit un effet d’entraînement. Je ne prétends pas fédérer les associations, elles le font déjà très bien dans leurs domaines ; en revanche, j’essaie de créer du liant là où il n’y en a pas assez.

Pour ce qui est du du jeu vidéo, c’est plus compliqué car c’est en cours de restructuration. Le Stunfest ne se tiendra pas cette année, c’est un vrai coup dur. À la ville et à la Métropole, on espère et on soutient un festival en 2025. Néanmoins, la Maison du jeu vidéo de Rennes vient d’ouvrir grâce aux travaux financés par la ville dans le cadre du budget participatif. Je pense qu’elle peut devenir le centre névralgique des développements à venir du jeu vidéo dans notre belle ville de Rennes. 

Unidivers – Avec cette nouvelle délégation, la culture ludique est mise à égalité avec les musées et la lecture publique. Pourtant, le jeu n’est généralement pas perçu comme un art au même titre que les collections des musées et des bibliothèques. Comment s’inscrit-elle dans la politique culturelle rennaise ? 

Selene Tonon – J’insiste beaucoup sur la notion de droits culturels présente au sein de la déclaration universelle de l’UNESCO (lien). Elle est souvent vue sous le spectre de la diversité culturelle en évoquant les échanges culturels entre pays – ce qui est tout à fait pertinent et légitime – néanmoins il existe un autre aspect, celui des pratiques culturelles marginalisées. Il en a été de même avec le street art pour lequel Rennes a eu une action très volontariste afin de légitimer sa place en tant que création culturelle. Le même schéma s’opère avec les cultures ludiques. Quand on joue à un jeu vidéo, il n’y a aucune raison fondamentale de culpabiliser sous prétexte qu’on passe son après-midi à jouer, tout comme on n’aurait pas culpabilisé si on avait écouté de la musique ou lu un livre à la place. Ce sont des constructions de légitimité qui sont, en réalité, porteuses d’une certaine violence. Quand on dit à une personne que sa culture n’est pas légitime, que c’est une activité d’enfant et qu’elle est régressive, on crée des enfermements et des replis.

C’est un enjeu démocratique réel que de respecter les droits culturels et de promouvoir les pratiques en leur accordant toute la légitimité qu’elles possèdent quand on a un service public qui s’adresse à toutes et tous.

Unidivers – Quelles actions spécifiques mettez-vous en place en faveur des ces pratiques marginales au regard d’autres loisirs plus populaires tels que le cinéma ou la littérature ? 

Selene Tonon – Le milieu ludique n’avait pas la prétention de faire autre chose que du divertissement au départ, mais on a vu la création artistique là où les gens n’en avaient pas forcément conscience. On a parfois du mal à considérer que, derrière les jeux, il y a de véritables artistes qui ne vivent pas de leur art. Ils sont là parce qu’ils adorent créer. Les concernant, il existe un statut d’artiste auteur, mais il est mal connu, souvent compliqué et pas toujours adapté aux réalités de ce milieu. Il fait partie des combats politiques nationaux à mener et, pour ma part, je peux faire le lien avec nos parlementaires à ce sujet. Là-dessus, les bibliothèques municipales s’inscrivent totalement dans cette démarche de culture ludique. Aujourd’hui, si on arrive à faire du prêt d’instrument à l’Antipode et du prêt de matériel de couture à Longchamps, on doit aussi pouvoir proposer du jeu avec un circuit de recommandation et de médiation par des professionnels. Le service public existe toujours et on souhaite que cette histoire dure (rires).

Le jeu de rôle (JDR), lui, était carrément absent en bibliothèque. Il s’agit pourtant de livres qui permettent de vivre dans l’univers d’autres livres. On a donc élargi l’offre il y a un an : la bibliothèque Bourg-Levesque propose à l’emprunt et à la consultation des jeux de rôle qu’on peut également faire venir depuis les autres bibliothèques du réseau. Les agentes et agents des bibliothèques de Rennes ont une commission interne en culture ludique pour se former, monter en compétences et piloter un peu la montée de la culture ludique dans les bibliothèques.

Unidivers – Pour finir, avez-vous une recommandation de jeu à donner ? 

Selene Tonon – C’est pas facile comme question, il y en a pour tous les profils, comme pour les livres. Mais je dirais d’essayer la Murder party, aussi appelée soirée d’enquête. La murder party consiste à jouer un rôle avec un costume (même rudimentaire, il s’agit plus d’évoquer que d’être dans l’historicité) dans un univers particulier. Le grand classique, c’est Agatha Christie : on démarre la partie, il y a eu un mort et tout le monde a plus ou moins une bonne raison d’avoir commis le crime. C’est une bonne occasion de goûter au JDR et au grandeur nature en une soirée. Je conseille vraiment de s’intéresser à la programmation des soirées d’enquête rennaise pour découvrir un loisir méconnu, mais vraiment intense et qui fait de sacrés souvenirs. 

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