À l’approche des fêtes de Pâques, l’Opéra de Rennes fait preuve d’une belle cohérence spirituelle en donnant La Résurrection. La première représentation, vendredi 14 mars 2025, a tenu toutes ses promesses. Ce premier oratorio, parmi les trente que Haendel a composés, a marqué l’assistance par son étonnante proximité avec l’art opératique.
Cela n’est pas le fruit du hasard, et il convient de resituer historiquement l’œuvre dans son contexte particulier. Nous sommes entre 1706 et 1708 : Haendel est alors en résidence à Rome, sous la bienveillante protection du marquis Francesco Ruspoli. Le pape Clément XI ayant interdit toute représentation d’opéra à Rome, l’oratorio s’impose comme l’alternative la plus acceptable.
Cela explique beaucoup de choses : d’abord, l’absence de mise en scène et le positionnement des chanteurs, debout face au public, comme à l’église. Cela n’empêchera pas l’opéra de pointer son nez à plusieurs reprises et à l’œuvre de frôler la transgression… pour notre plus grand plaisir.
Dès le premier acte, un long dialogue entre l’ange et Lucifer rompt avec l’alternance classique entre arias et récitatifs, comme on la connaîtra plus tard avec un autre oratorio fameux, Le Messie. C’est l’occasion pour l’excellente chanteuse anglaise Nardus Williams, dans le rôle de l’ange, de briller par l’exactitude et la précision de son chant. Elle trouve en face d’elle un adversaire de taille : Thomas Dolié, impressionnant en Lucifer, dont la voix de basse et les qualités d’interprétation nous transportent dans un plaisir sardonique.
D’autres personnages, comme Marie-Madeleine et Marie Cléophas, interviennent et se lamentent de la mort de Jésus, mais saint Jean les rassure en leur rappelant la promesse de résurrection au troisième jour. C’est le moment de retrouver la soprano Céline Sheen en femme pécheresse, accompagnée du contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian en sainte femme, sans oublier Thomas Hobbs en saint Jean. Ce trio nous enchante tant par les étonnantes qualités vocales qu’il déploie que par l’intensité des émotions qu’il suscite.
Nous évoquions précédemment Le Messie, qui s’impose comme l’oratorio par excellence. Impossible de ne pas comparer l’intensité des sentiments qu’il provoque avec ceux de La Résurrection, tant ils diffèrent. Un moment de réflexion s’impose et finit par livrer son secret. C’est une évidence : Le Messie se situe au moment de la Passion du Christ, avec ce que cela suppose de révolte et d’émotions à vif. À l’inverse, La Résurrection prend place, dans la chronologie biblique, au soir de la crucifixion et le matin suivant, jour de Pâques. Tout est dit : la promesse a été tenue. La musique est donc moins exaltée, plus intérieure, plus apaisée ; tout incite à une méditation profonde et empreinte de gratitude.
Impossible d’évoquer cette nouvelle prestation du Banquet Céleste sans que n’apparaisse, en filigrane, la silhouette de son fondateur, Damien Guillon, parti vers d’autres rivages. Le poète disait : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. » Si cela est vrai, il faut néanmoins en relativiser l’impact. La direction artistique collégiale mise en place par les membres de l’ensemble semble très bien fonctionner et atténue l’absence de celui auquel nous gardons toute notre affection.
Si nous devions être rassurés quant à la pérennité d’un ensemble de très haut niveau comme Le Banquet Céleste, c’est désormais chose faite. Si vous voyez apparaître dans le programme de l’Opéra un nouvel événement avec Le Banquet Céleste, surtout, ne perdez pas de temps : tel est notre conseil !
Ensemble Le Banquet Céleste
Nardus Williams Angelo
Céline Scheen Maddalena
Paul-Antoine Bénos-Djian Cleofe
Thomas Hobbs San Giovanni
Thomas Dolié Lucifero