En deux ans, des trésors enfouis ont été révélés par des fouilles dans le Finistère et les Côtes-d’Armor. C’est à la fois merveilleux et un casse-tête financier, sans parler des pilleurs…
Douarnenez : un site antique découvert près de la plage du Ris
Située sur la côte du Finistère, la ville de Douarnenez est connue pour son patrimoine maritime et ses légendes liées à la ville engloutie d’Ys. Récemment, des fouilles préventives menées dans le cadre d’un projet d’aménagement d’un bassin d’infiltration ont permis de découvrir un site archéologique exceptionnel près de la plage du Ris. Ce site antique, qui semble remonter à l’époque gallo-romaine, comprend des restes de murs en pierre, des fragments de céramiques et des objets du quotidien attestant d’une activité humaine intenses.
Les vestiges découverts à Douarnenez suggèrent qu’il pourrait s’agir d’un ancien comptoir maritime, utilisé pour le commerce du poisson et du sel. La présence d’amphores romaines et de bassins qui pourraient avoir servi à la salaison du poisson renforce cette hypothèse. En outre, plusieurs structures de pierre indiquent l’existence d’un bâtiment d’importance, peut-être une villa ou un entrepôt. Et, sur le côté, une petite nécropole.
Toutefois, cette découverte pose un véritable casse-tête aux autorités locales, car les fouilles n’étaient pas prévues dans le budget initial du projet d’aménagement. Selon Jocelyne Poitevin, maire de Douarnenez, la poursuite des recherches pourrait coûter jusqu’à 800 000 euros, un montant équivalent aux coûts des travaux prévus pour le site. Le dilemme est donc posé : comment concilier la sauvegarde d’un patrimoine inestimable avec les réalités budgétaires de la commune ?
Lannion : un village néolithique mis au jour à Kervouric
En avril et mai 2014, l’Inrap a mené une fouille sur le site de Kervouric à Lannion, avant l’aménagement d’un lotissement. Les archéologues ont découvert un habitat datant du Néolithique ancien, vers 4800 av. J.-C. Ce site illustre la « révolution néolithique », marquant la transition des sociétés de chasseurs-cueilleurs vers l’agriculture et l’élevage, entraînant la sédentarisation. l s’agit d’un des sites néolithiques les plus anciens et les mieux conservés de Bretagne. Les fouilles ont révélé des vestiges de maisons en bois, des foyers domestiques et des outils en pierre taillée.

Les vestiges retrouvés incluent trois grandes maisons parallèles, typiques des premières communautés agricoles, avec une architecture similaire à celle observée dans le nord de la France. Ces maisons avaient un plan trapézoïdal, mesuraient environ 30 mètres de long, et possédaient des murs en clayonnage et torchis, avec des toitures végétales. À proximité, des fosses servaient à la construction des murs et à l’élimination des déchets domestiques, tandis que des puisards assuraient l’approvisionnement en eau.
Les fouilles ont révélé des objets de la vie quotidienne, comme des céramiques et des outils en silex, illustrant les traditions techniques et culturelles des premières communautés agricoles. L’occupation de Kervouric s’inscrit dans une aire culturelle plus vaste, celle du Bliquy-Villeneuve-Saint-Germain, s’étendant de la Belgique à la Bretagne. Les contacts avec des régions comme la Normandie et le Centre de la France sont également attestés par l’importation de silex de meilleure qualité.

Ce site apporte des éclairages précieux sur la manière dont vivaient les premières communautés sédentaires de la région. Les archéologues ont notamment découvert des pointes de flèches en silex, des restes d’animaux domestiqués et des traces de cultures céréalières. Ces éléments confirment que ces premiers habitants étaient à la fois chasseurs, agriculteurs et éleveurs.
Cependant, comme à Douarnenez, les fouilles de Lannion se heurtent à un obstacle financier. Les fouilles de sauvetage n’étaient pas prévues dans le budget de la municipalité et doivent être financées en grande partie par l’aménageur du projet initial. Si les autorités locales souhaitent poursuivre les investigations et préserver le site, des fonds supplémentaires devront être trouvés, soit par des subventions d’Etat, soit par des partenariats avec des institutions culturelles.
Le casse-tête du financement des fouilles archéologiques
Les découvertes archéologiques de Douarnenez et de Lannion illustrent parfaitement les difficultés financières que rencontrent les fouilles en France. Le modèle de financement actuel repose en grande partie sur les aménageurs, qu’ils soient publics ou privés. Lorsque des vestiges sont découverts, ces derniers doivent financer les diagnostics et les fouilles préventives, mais le coût peut rapidement devenir un frein au développement des projets.
L’État, par le biais du Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP), peut apporter une aide financière aux communes qui se trouvent dans une impasse budgétaire. Néanmoins, ces aides sont souvent limitées et ne couvrent pas l’intégralité des coûts de fouilles.
Dans certains cas, les collectivités choisissent de mettre en valeur les sites découverts, en les intégrant dans des parcours patrimoniaux ou des expositions permanentes. Cela permet de générer un intérêt touristique et culturel, mais cette solution demande également des investissements supplémentaires en infrastructures et en gestion du patrimoine.
L’augmentation des chasses au trésor et des pillages archéologiques
Avec l’essor des détecteurs de métaux et la popularisation des chasses au trésor, les sites archéologiques de Douarnenez et Lannion sont exposés à un risque accru de pillage. De plus en plus d’amateurs, parfois inconscients des lois en vigueur, explorent illégalement ces zones à la recherche d’objets anciens, mettant en péril l’intégrité des sites et compromettant le travail des archéologues.
Les fouilles clandestines, en retirant des artefacts de leur contexte original, détruisent des informations cruciales sur l’histoire des lieux. À Douarnenez, des signalements de détecteurs de métaux ont été rapportés à proximité de la plage du Ris, où des vestiges gallo-romains ont été découverts. De même, à Lannion, le site néolithique de Kervouric a été identifié comme une cible potentielle pour des pilleurs cherchant à récupérer des outils en silex ou des objets anciens destinés au marché noir.
En France, l’utilisation des détecteurs de métaux à des fins archéologiques est strictement réglementée par le Code du patrimoine. Les personnes qui s’aventurent sur ces sites sans autorisation encourent de lourdes sanctions, incluant des amendes et des peines de prison. Toutefois, les moyens de surveillance restent limités et de nombreux pillages passent inaperçus.
En réponse à cette menace croissante, les autorités locales et les archéologues appellent à un renforcement des contrôles et à une sensibilisation accrue du public afin de préserver ces trésors historiques pour les générations futures.
Un enjeu patrimonial et économique majeur
Les vestiges archéologiques de Douarnenez et de Lannion posent donc une question cruciale : comment concilier préservation du patrimoine et contraintes budgétaires ? Si ces découvertes sont une formidable opportunité pour enrichir notre connaissance de l’histoire locale et nationale, elles constituent également un défi financié pour les communes concernées.
Au regard de ces difficultés, des solutions innovantes doivent être envisagées, comme le recours à des financements participatifs, des collaborations avec des universités et des musées, ou encore la création d’espaces d’interprétation intégrés aux sites eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, ces vestiges sont un témoignage inestimable du passé et leur préservation doit rester une priorité.
Photos : Laurent Juhel, Inrap