Famille franco-irlandaise au destin exceptionnel, les Walsh ont traversé près de dix siècles d’histoire atlantique. Des chevaliers de 1066 aux armateurs de Saint-Malo, en passant par les exilés irlandais chassés par Cromwell, ils incarnent comme nul autre les circulations, les opportunités et les violences qui ont structuré le monde maritime européen. Le travail récent de l’historien Jacques de Certaines offre une synthèse magistrale de cette trajectoire. Il restitue l’élan, les réseaux et aussi les parts sombres d’une dynastie qui participa à la course, au commerce international… et au système esclavagiste.
Les ancêtres des Walsh auraient suivi Guillaume le Conquérant lors de la conquête de l’Angleterre. Installés ensuite en Irlande, ils deviennent des seigneurs puissants dans le comté de Kilkenny. Leur histoire bascule au XVIIe siècle : frappée par la politique de Cromwell, la famille rejoint le mouvement des « Wild Geese », ces nobles catholiques irlandais exilés sur le continent. La France devient leur nouvel ancrage.

Saint-Malo, Morlaix, Nantes : un empire familial au cœur de l’Atlantique
Arrivés en Bretagne, les Walsh mettent à profit leur expérience maritime et leurs réseaux internationaux. Dans le sillage des grandes places portuaires – Saint-Malo, Morlaix, Nantes –, ils deviennent négociants, armateurs et corsaires. Certains financent des expéditions lointaines, d’autres participent à des opérations secrètes comme le soutien au prince Charles-Édouard Stuart, figure du jacobitisme.
L’histoire familiale ne peut cependant être dissociée du rôle actif joué dans le commerce triangulaire au XVIIIe siècle. La prospérité des Walsh s’inscrit alors dans un système économique qui repose sur la traite négrière. Cette dimension, rappelée avec clarté par Jacques de Certaines, éclaire les fondements ambivalents de la puissance malouine.

« Les Rothschild de la mer » : fortune, réseaux et héritages
Capables d’investir avec audace, de naviguer entre diplomatie et opportunités commerciales, les Walsh deviennent ce que certains historiens surnomment les « Rothschild de la mer ». Leur influence s’étend des Antilles à l’Espagne en passant par Saint-Domingue et Terre-Neuve. Au XIXe siècle, leurs entreprises déclinent, mais leur mémoire demeure vivante, notamment dans les archives maritimes et les toponymes bretons.

Une dynastie-miroir de l’histoire atlantique
À travers les Walsh, c’est toute une histoire transnationale qui se déploie : mobilités forcées, capitalisme maritime, guerres impériales, esclavage et mondialisation précoce. Une histoire où la grandeur des aventures humaines se mêle aux fractures coloniales. Une histoire qui invite, aujourd’hui, à considérer avec nuance la formation des élites marchandes et leur rôle dans la construction de l’Europe moderne.

–> Qui est Jacques de Certaines ?
Jacques de Certaines est un éminent membre de la Société française d’histoire maritime et spécialiste des dynasties marchandes de l’Atlantique. Né en Bretagne, il consacre depuis plusieurs décennies ses recherches aux circulations économiques et aux réseaux familiaux qui ont façonné les côtes françaises. Son ouvrage Les Walsh : négociants, corsaires et négriers à Saint-Malo, publié aux Éditions Apogée, se distingue par sa rigueur archivistique et sa capacité à rendre intelligible une histoire complexe, mêlant ascension sociale, migrations, stratégies commerciales et implication dans l’économie esclavagiste. Conférencier, il se donne pour mission de transmettre une histoire maritime complète : ambitieuse, documentée et lucide sur ses zones d’ombre.

–> Comprendre le commerce triangulaire breton
Au XVIIIe siècle, les ports bretons – Nantes, Lorient, Saint-Malo – jouent un rôle majeur dans le commerce triangulaire. Ce système commercial repose sur trois étapes :
- Départ d’Europe : les navires embarquent textiles, armes, alcool et marchandises manufacturées.
- Côtes africaines : ces cargaisons sont échangées contre des captifs achetés aux puissances locales ou aux réseaux marchands africains.
- Colonies américaines : les captifs sont déportés vers les Antilles et vendus comme esclaves ; les navires repartent chargés de sucre, café, cacao ou indigo.
Nantes fut le premier port négrier français, tandis que Lorient et Saint-Malo profitèrent de la manne commerciale pour financer des activités parallèles (Compagnie des Indes, course, flottes marchandes). Les Walsh, comme d’autres familles malouines, tirèrent des profits substantiels de ce système.
Expliquer cette réalité aujourd’hui permet de restituer l’économie atlantique dans sa complexité : innovation maritime, dynamiques commerciales, mais aussi violences structurelles et déshumanisation.

Fiche technique de l’ouvrage
Titre : Les Walsh (Les). Négociants, corsaires et négriers
Auteur : Jacques-Donald de Certaines
Éditeur : Éditions Apogée
Collection : Hors collection
Prix : 15,00 € TTC
Pagination : 200 pages
Format : 14 x 21 cm
Présentation : Broché
ISBN : 9782843988936
Date de parution : 21 mai 2025
