Yoldie sur le MUR de Rennes : « Mon art est émotionnel et méditatif »

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Le numéro 34 de la rue Vasselot, dans le centre-ville de Rennes, a revêtu depuis fin octobre 2025 un manteau noir aux tons chauds, tissé de lignes qui s’entremêlent. Dans un entrelacs abstrait, le nouveau MUR de Rennes offre à la population une oeuvre poétique née des émotions de la street-artiste Yoldie.

La présence de Yoldie, Alice Schmitt de son vrai nom, sur le MUR de Rennes s’est faite de la même manière que son art : spontanément, après une rencontre au festival Plein Champ au Mans en juillet 2025. 

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Yoldie sur le MUR de Rennes © Monique Sammut

D’éducatrice spécialisée à street-artiste

Chez Yoldie, l’émotion est un langage graphique. Pour elle, le dessin a toujours été synonyme d’apaisement et de sérénité, de laisser aller et d’instinct. « En cours, je faisais des petits dessins à la marge de mes cahiers, des dessins automatiques assez répétitifs. Ca me permettait d’écouter. » Elle remplissait des pages et des pages de damiers avec des fluos.« Cette technique a changé ma vie. » Avec un profil hyperactif et TDAH, la répétition du geste et l’instant créatif lui ont permis, et lui permettre encore, de canaliser son problème d’attention.

Éducatrice de formation, elle a intégré les vertus de ce dessin méditatif dans les activités qu’elle proposait aux publics qu’elle accompagnait. Les personnes sans abri, alors qu’elle travaillait dans un foyer d’hébergement temporaire, ont été les premiers à réaliser un atelier autour de sa pratique artistique. « Faire la manche peut être dégradant sur le plan narcissique, car il n’y a aucun contre don », exprime-t-elle. Dans une idée de don et contre don, elle les a invité à fabriquer des marques pages afin qu’ils puissent vendre leurs productions personnelles. 

C’est alors qu’elle travaillait avec un groupe d’enfants atteints du spectre autistique que Yoldie met un premier pied dans l’Art Urbain. Il lui a suffi d’un rideau de fer noir face à elle et de craies de trottoir d’un précédent atelier dans ses poches… le tour était joué, le street-art s’ouvrait ainsi à elle sans qu’elle en eut vraiment conscience.

« Mon art est 100% émotionnel et méditatif »

L’art de Yoldie est pur : il naît de ses émotions et grandit dans la sérénité d’un mouvement répétitif. Tel un sas de décompression, où seule la création de l’instant présent compte, il crée un moment suspendu où le geste fait parler l’inconscient de l’individu. « Mon travail est instinctif, j’intellectualise très peu, », précise-t-elle. « C’est une des choses les plus difficiles dans notre société, avec les écrans notamment. Laisser venir ce qu’il vient n’est pas de notre époque. »

Là où les sentiments humains peuvent se vivre viscéralement, les formes linéaires et enroulées de la street-artiste traduisent le tourbillon intérieur que l’on ressent parfois et qui peut nous submerger. Dans un ballet de lignes, elle crée une poésie visuelle organique. « L’art est pour moi un levier pour gérer nos excès d’émotions ou extérioriser quand on a du mal à les exprimer. »

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Yoldie sur le MUR de Rennes © Monique Sammut

Le mur vierge de Rennes a été recouvert de cette manière, avec cette spontanéité émotionnelle qui la définit. « Je m’imprègne des demandes, des gens, des échanges. » Les formes de l’oeuvre intitulée Draco drache ont pris vie sur fond noir selon son humeur du moment, de même que les couleurs. Mais dans les ondulations arrondies, on devine le mouvement du végétal qui lui murmure ses inspirations. « J’essaie de garder une certaine naïveté pour ne pas partir dans un excès de technicité qui ferait perdre son sens au dessin automatique. » Dans l’atelier 6B, le long des quais de Seine à Saint-Denis, entourée d’arbres et de fleurs, de ruches et de potagers, elle trouve ses reliefs colorées dans ce que lui offre à admirer la nature – mais aussi dans la beauté des plantes grasses dont elle possède une centaine de pots chez elle : « Chaque feuille peut devenir une plante. Elles peuvent s’imbriquer les unes aux autres un peu comme mes lignes. » 

Bien qu’elle soit inspirée par des artistes, elle préfère ne pas rentrer dans la citation pour privilégier l’émotionnel. Mais ce ne serait pas mentir de lui trouver une proximité avec le mouvement de l’Art Brut, dans ce que les œuvres contiennent d’art libre et de personnel, voire d’autobiographique. Car au final, chaque œuvre de Yoldie révèle, dans une abstraction onirique et émouvante, un bout d’elle qui peut résonner en nous.

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Les ateliers, une des clés de sa création

Si Yoldie vit aujourd’hui de son art, son savoir-faire d’éducatrice spécialisée guide les ateliers qui lui tient à cœur de proposer : « L’art de manière générale me conditionne, je l’utilise pour réguler mes émotions, et c’est ce que j’essaie de transmettre dans mes ateliers. » Elle accompagne des classes et des groupes de centre de loisirs dans la création de dessins abstraits automatiques, sur des murs ou dans des customisations. « Les ateliers font partie de mon processus créatif. Les remarques des enfants, mon public de prédilection, m’inspirent beaucoup » confie-t-elle.

Plus que n’importe quelle inspiration, c’est sa sensibilité pour le rapport humain et sa vision d’un art libre de tout carcan technique qui façonne un art à la dimension thérapeutique. « J’aimerais bien écrire une méthode pour améliorer ses ateliers dans la recherche pédagogique. Une enseignante m’aide d’ailleurs sur ce projet. » 

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