Baron d’Holbach. Essai sur l’art de ramper à l’usage des courtisans

Le propre de l’ironie est le double discours. Sous la forme elle-même ambiguë de l’essai, d’Holbach fait ici l’apologie de l’art singulier de ramper, nécessaire au maintien du courtisan dans la Cour du Roi. Art du maintien, de la bonne façade et du savoir-vivre hypocrite, ramper est une manœuvre subtile fondée sur l’abnégation. D’Holbach moque l’intelligence des conventions sociales, tissées d’hypocrisie et d’arrivisme. Car c’est n’avoir que peu d’orgueil et de passion que de devoir revêtir le costume de l’hypocrite pour, au fond, conforter le pouvoir des puissants. La position de l’auteur à l’égard de ces courtisans n’a d’égale que celle des courtisans face à leurs pairs et à leur maître. En décrivant les masques dont doit se revêtir le courtisan, d’Holbach met bas les mécanismes mêmes de la dissimulation et de la pantomime.

Un essai philosophique très court

Il ne mesure que quatorze pages (agrémenté d’une biographie du baron d’Holbach) mais d’une justesse et d’un humour décapants !

C’est en utilisant la figure de style de l’antiphrase que le Baron d’Holbach, philosophe du XVIIIe siècle, produit un guide à l’usage du bon courtisan hilarant, dont chaque phrase pourrait faire l’objet d’une citation à part entière.

Le début commence fort avec l’assimilation du courtisan à un animal qui se rapproche de l’être humain par certains aspects mais s’en éloigne sur d’autres, « un animal amphibie ». Ce premier paragraphe place le lecteur dans une situation comique qui ne laisse pas indifférente et qui donne envie de lire la suite. D’Holbach étudie le comportement des courtisans à la manière d’un ethnologue.

Quelle est l’image de cet homme étrange qu’est le courtisan ? Hypocrite, sans états d’âme, il ne pense qu’en fonction de son maître puisqu’il n’est intéressé que par sa propre ascension. Aussi, il doit apprendre à ne pas penser par lui-même, « …sacrifice généreux qu’ils font sans cesse de leur fierté, de leur hauteur, de leur amour-propre ! ». Or, parallèlement, la figure du monarque a besoin du courtisan, si bien que ce dernier lui devient supérieur puisque ses exigences sont satisfaites au détriment du bas peuple.

Sans perdre de son actualité, ce texte renvoie au fonctionnement actuel de nombre de politiciens qui ne livre pas leur avis personnel et préfère se ranger au côté du personnage qui leur est supérieur : chef de parti, président… Il est parfois désopilant d’avoir l’impression d’entendre parler des chèvres qui se répètent entre elles. Il s’agit sans aucun doute possible des courtisans modernes que décrit si bien le Baron d’Holbach !

Une lecture vivement conseillée

C’est un condensé de belles phrases, de philosophie et d’ironie. Le baron d’Holbach, un proche de Diderot, a notamment contribué à la rédaction d’articles pour l’Encyclopédie. On appréciera la biographie et bibliographie synthétique de l’auteur dans cet ouvrage.

Extraits :

–  « Ces imbéciles (les philosophes) ne sentent donc point le prix de tous ces sacrifices ? Ils ne réfléchissent point à ce qu’il en doit coûter pour être un bon courtisan ? »
–  « De tous les arts, le plus difficile est celui de ramper »
– « Un bon courtisan ne doit jamais avoir d’avis, il ne doit avoir que celui de son maître »

 

Baron d’Holbach, Essai sur l’art de ramper à l’usage des courtisans, Editions Allia, 44 p., 2010, 3€ ; disponible en ebook gratuit

 

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