Film Baby : Errance et quête d’identité dans un São Paulo crépusculaire

Marcelo Caetano, déjà remarqué pour Corpo Elétrico, s’empare une nouvelle fois des marges de la société brésilienne avec Baby, un drame intimiste où la lumière néon des nuits de São Paulo éclaire le parcours vacillant de Wellington, jeune homme fraîchement libéré d’un centre de détention pour mineurs. Loin d’un simple récit de réinsertion, le film nous plonge dans un univers où le réalisme social côtoie le fantasme d’une possible rédemption, incarnée par une figure aussi magnétique qu’ambivalente : Ronaldo.

À travers cette relation, Caetano déploie une réflexion sur l’errance et l’identité, tout en évitant les écueils du pathos. La caméra épouse le regard de Wellington, captant chaque hésitation, chaque éclat d’émotion, dans une mise en scène à la fois naturaliste et stylisée.

Caetano s’attache à rendre palpable l’atmosphère oppressante de São Paulo, ville qui semble à la fois un refuge et un piège. La photographie de Pierre de Kerchove privilégie les lumières tamisées et les espaces confinés, donnant aux errances nocturnes de Wellington une teinte presque onirique. Les plans serrés sur le visage du protagoniste traduisent son isolement, tandis que la caméra tremblée et fluide reflète son état d’incertitude permanente.

La bande-son, mêlant bruits urbains et compositions électroniques envoûtantes, accompagne cette errance en intensifiant l’impression de déréalisation. Un choix qui renforce l’aspect quasi hypnotique du film, où la frontière entre survie et abandon se brouille progressivement.

Le film repose en grande partie sur la performance magnétique de l’acteur incarnant Wellington (dont le nom, encore peu connu, est sur toutes les lèvres après la sortie du film). Son jeu, tout en retenue, exprime avec une puissance rare la vulnérabilité et la violence contenues de son personnage. Face à lui, Ronaldo, interprété par un acteur chevronné, offre une présence à la fois rassurante et troublante, oscillant entre bienveillance et manipulation.

La relation entre les deux personnages est la colonne vertébrale du récit. Caetano évite tout didactisme et laisse planer une ambiguïté constante : Ronaldo est-il un mentor, un protecteur ou un prédateur ? Cette tension, jamais résolue, confère au film une densité émotionnelle saisissante.

En ooutre, Baby une œuvre politique sur la précarité et la marginalisation au Brésil, en raison de la manière dont le film met en lumière des trajectoires souvent invisibles dans le cinéma traditionnel.

Derrière l’errance de Wellington se dessine une critique sociale implicite : celle d’un système qui abandonne ses jeunes les plus vulnérables dès leur sortie des institutions carcérales. Le film ne s’attarde pas sur les causes de l’incarcération de Wellington, mais son parcours post-détention illustre la manière dont ces jeunes sont livrés à eux-mêmes, sans réelle possibilité de réinsertion. Dès les premières scènes, le spectateur comprend que Wellington n’a ni famille ni soutien institutionnel, et que la ville, pourtant immense, ne lui offre aucun refuge.

La figure de Ronaldo renforce cette dimension politique : en proposant une alternative de survie au jeune homme, il incarne la dure réalité des réseaux informels qui exploitent cette précarité. Que ce soit par la petite criminalité, la prostitution ou d’autres formes de dépendance, Baby montre comment les jeunes défavorisés sont souvent poussés vers des relations inégales, où la nécessité prime sur l’éthique.

Baby est un miroir du Brésil contemporain où les classes populaires et les minorités sont en lutte constante pour une place dans la société. Le film ne se veut pas militant au sens strict, mais il évoque, sans artifice, un problème systémique : l’abandon des plus fragiles, notamment dans un pays où les inégalités restent criantes.

Baby est un film qui hante longtemps après son visionnage. Marcelo Caetano signe une œuvre d’une grande maturité où l’intime rejoint le social avec une subtilité remarquable. Son refus du spectaculaire au profit d’une approche sensorielle et immersive en fait une expérience de cinéma singulière, parfois exigeante, mais toujours bouleversante.

Baby