Jozef van Wissem, après le succès de la B.O. de Only Lovers left alive (prix de la meilleure B.O. au Festival de Cannes 2013) de son ami Jim Jarmusch, ne se laisse pas aller à la facilité. Jozef van Wissem nous offre avec l’album It is time for you to return (Crammed Discs) un exigeant condensé des arpèges aux saveurs diaprées de son luth. Un album âpre mais savamment illuminé par une attention obsessionnelle si particulière portée à l’ampleur sensitive des sonorités.
L’art du luth crépusculaire et de l’eschatologie harmonique
Avec les neuf titres qui composent It is time for you to return, gracieux et « plains » au sens héraldique du terme, Jozef van Wissem apporte à nos oreilles des odes mélancoliques, graves et intemporelles, morsures musicales d’aubes muettes et incertaines. Nous procurant une mellifique cure de beauté fêlée, engorgée d’une moite espérance. Les arpèges de son luth se font plus actuels encore, d’une plus ample rugosité, d’une nostalgie acoustique plus urbaine en y incluant de subtils bruitismes électroniques ou plus sinueux encore en intégrant de plus fantomatiques relents d’éternité orientale.
Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie. Gérard de Nerval, El Desdichado
Palindrome musical
Véritable ascète de la mélodie, van Wissem fait ondoyer les arpèges hypnotiques. Il tisse des toiles mélodiques labyrinthiques, des Orobouros harmoniques pour nous perdre en un lâcher-prise extatique.
Jozef van Wissem, à la fois luthiste baroque et compositeur contemporain est l’homme de l’unité paradoxale. La pochette absolument austère de It is time for you to return sur laquelle il pose, regard sévère et halluciné, cheveux longs, en col romain, affublé d’un énorme crucifix… Pourtant, sur les boucles du sillon, aucun prêche convulsif d’un intégriste catho ou d’un télévangéliste écumant. Une beauté épurée, oscillant toujours au bord de la rupture et, pourtant, maîtrisée de haute volée, une dentelle noire, fine et simple, puissante de sa fragilité.
Le luth ? Ancêtre de la guitare ? Mais de laquelle ? Classique, folk, manouche, électrique et rock, jazz ? Et, s’il est ancien et vénérable, cet aïeul est pourtant bien vivant, surtout lorsqu’il vibre dans les mains d’un musicien sensible et inventif tel que Jozef Van Wissem. Bill Meyer a bien raison d’écrire que la méthode de composition favorite de Van Wissem est le palindrome.
Le luthiste, d’origine néerlandaise et vivant à Brooklyn, joue ses morceaux en avant, puis en arrière, créant une musique qui est potentiellement sans commencement ni fin. Bien que cette stratégie soit ancrée dans la pratique de composition du 17e siècle, elle sert toujours son objectif de sauvetage de son instrument archaïque des poubelles de l’histoire. Son utilisation de structures en miroir est comme informée tant par la psychanalyse lacanienne que par un répertoire séculaire. Ancien guitariste au goût prononcé pour la country blues, Van Wissem en est venu à cet instrument comme à un moyen d’affirmer son européanité essentielle ; ironiquement il a utilisé un artefact de la Renaissance pour accomplir la poursuite, décidément post-freudienne, d’établir consciemment une auto- identité. Sur un niveau encore plus symbolique, en construisant des pièces qui commencent là où elles finissent et sont donc potentiellement sans fin, il subvertit le cours de temps ; pourquoi l’obsolescence ne pourrait pas également être inversée ? Bill Meyer, UbuWeb Sound
C’est bien dans les continuités, les dispersions harmoniques, les échos cycliques du temps que ce musicien tisse l’étoffe étonnante de sa musique. Contrairement à d’autres qui, pour coller au plus près d’une certaine « modernité », maquillent le son des instruments anciens ou traditionnels, Jozef Van Wissem laisse s’épanouir toutes les résonances anciennes de son luth. Il n’essaie pas de « faire » Renaissance ou « Oriental ». Comme il l’est lui-même, sa musique est bien d’ici et maintenant, ne masquant aucun des aspects obscurs, corrosifs ou crépusculaires du chant des temps. Ainsi, même lorsqu’il s’associe au japonais Tetuzi Akiyama (guitariste, multi-instrumentiste et improvisateur de génie) ou à l’italien Maurizio Bianchi (pionnier de la musique bruitiste contemporaine) pour transformer en stridences les purs arpèges de son instrument, il ne semble jamais perdre de vue l’essence de la beauté formelle des fondements de son art.
Et sans oublier également la JPop et autre J-Music…. (Comme Kalafina cité plus haut) une musique bien plus variée qu’il n’y parait allant du heavy metal (noGoD par exemple cet année) jusqu’a_la pop acidulée et quelques ovnis comme Wagakki Band qui allie rock et musique traditionnelle.
A noter que la chaine NoLife (sur votre box préférée) fait souvent des directs du salon et ne manquera pas de rediffuser les meilleurs moments cet été. http://www.nolife-tv.com/