L’impact du confinement de 2020 sur la psychologie : altération du rapport au temps et perception du monde

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Le printemps 2020 marque un tournant dans l’histoire contemporaine : un confinement d’une ampleur inédite a bouleversé la vie sociale, économique et psychologique des populations. Si toutes les tranches d’âge ont été affectées, les jeunes adultes et adolescents ont été particulièrement exposés à une transformation profonde de leur rapport au monde et au temps. L’isolement, la restriction des interactions sociales et l’incertitude liée à la crise sanitaire ont engendré une recrudescence des troubles psychologiques, dont une hausse significative des syndromes dépressifs.

Une montée alarmante des troubles psychologiques

Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), la prévalence des syndromes dépressifs a augmenté de 2,5 points en 2020 par rapport à 2019 jusqu’à atteindre 3,5 en 2024, avec une incidence marquée chez les 15-24 ans. Cette hausse traduit une fragilisation du bien-être mental des jeunes, due à plusieurs facteurs interconnectés :

  • L’isolement prolongé et l’absence de contacts physiques : les relations interpersonnelles jouent un rôle essentiel dans l’équilibre psychologique. L’absence de moments de convivialité et de socialisation a généré un sentiment de vide, accentué par l’impossibilité d’échapper à un quotidien monotone.
  • L’incertitude quant à l’avenir : la crise sanitaire a entraîné une instabilité éducative et professionnelle. Les annulations d’examens, les modifications des cursus universitaires et la précarisation du marché du travail ont profondément ébranlé la confiance des jeunes en leur futur.
  • Un recours excessif aux écrans et aux réseaux sociaux : bien que les outils numériques aient permis de maintenir un certain lien social, leur usage intensif a parfois accentué l’isolement psychologique. La comparaison permanente avec des vies idéalisées sur les réseaux sociaux a amplifié les sentiments de solitude et d’inadéquation.
  • Un déséquilibre dans les rythmes biologiques : le confinement a perturbé les cycles de sommeil et d’activité physique, impactant négativement la santé mentale et cognitive des jeunes.

Devant cette montée des troubles, les consultations en psychiatrie ont explosé. Elles révèlent des vulnérabilités qui, dans certains cas, menent à des comportements autodestructeurs tels que l’augmentation des tentatives de suicide chez les adolescents.

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Le confinement et la distorsion du temps

Un phénomène particulièrement frappant a été la modification de la perception du temps chez les jeunes (et les moins jeunes). Le confinement a créé une rupture dans le déroulement habituel du quotidien, plongeant de nombreux individus dans une temporalité floue, marquée par :

  • Une impression de stagnation : l’absence de repères extérieurs, la disparition des événements marquants (voyages, fêtes, examens en présentiel) ont figé le temps dans une sorte de présent perpétuel.
  • Une perception paradoxale du temps : pour certains, le temps semblait s’étirer à l’infini, rendant chaque jour identique au précédent ; pour d’autres, la sortie du confinement a laissé l’impression d’une accélération brutale, comme si des mois entiers avaient été engloutis.
  • Une difficulté à se projeter : l’instabilité générée par la pandémie a profondément altéré la capacité à anticiper l’avenir, entraînant un sentiment de désorientation et d’impuissance.

Cette altération du rapport au temps a eu des conséquences sur la motivation et la capacité de concentration, rendant les tâches académiques et professionnelles particulièrement éprouvantes.

Des répercussions sur le rapport au monde

Le confinement a redéfini les modes d’interaction et les représentations du monde. Plusieurs tendances notables sont apparues :

  • Une défiance accrue envers les institutions : la gestion de la pandémie a été perçue par certains comme chaotique et incohérente, entraînant une perte de confiance dans les structures politiques et sanitaires.
  • Un rejet du modèle de consommation pré-pandémique : la crise a mis en évidence les limites du système économique globalisé, incitant certaines personnes à privilégier des modes de vie plus simples, axés sur la durabilité et la solidarité.
  • Une fragilisation du sentiment d’appartenance : la restriction des interactions sociales et l’isolement ont généré un éloignement psychologique, avec une difficulté accrue à renouer avec des dynamiques collectives après le déconfinement.
  • L’émergence d’une conscience du numérique ambivalente : bien que les outils digitaux aient été essentiels pour maintenir un lien social et éducatif, leur omniprésence a entraîné une saturation et, chez certains, une lassitude face à l’hyperconnectivité.
confinement

Vers une reconstruction psychologique ?

Les effets du confinement de 2020 sur la psychologie ne sont pas éphémères. De nombreuses études montrent que cette période a laissé des séquelles à long terme avec un risque accru de troubles anxieux et dépressifs persistants. Toutefois, certains signes montrent également des capacités d’adaptation et de résilience :

  • Une prise de conscience accrue des enjeux de santé mentale : la parole autour des troubles psychologiques s’est libérée, encourageant une approche plus ouverte et décomplexée de la thérapie et du soutien psychologique.
  • Un renforcement des liens familiaux et amicaux : pour certains, cette période a été l’occasion de redéfinir leurs priorités et de se recentrer sur des relations essentielles.
  • Une redécouverte du besoin d’ancrage dans le réel : après des mois de virtualisation du quotidien, un désir de retour aux expériences physiques et aux interactions directes s’est manifesté chez beaucoup.

Conclusion : un tournant générationnel ?

L’expérience du confinement de 2020 a façonné une nouvelle façon d’appréhender le temps et le monde pour toute une génération. Cette période a laissé des séquelles psychologiques durables, mais a également provoqué des réflexions profondes sur la société et son fonctionnement. Si des fragilités importantes sont apparues, de nouvelles formes de résilience et d’adaptation ont également émergé. Il est essentiel que les professionnels de la santé mentale, les institutions éducatives et les politiques publiques intègrent ces transformations pour accompagner au mieux cette génération confrontée à une mutation de ses repères psychologiques et sociaux. L’après-pandémie est un moment crucial pour repenser les modèles éducatifs, sociaux et économiques afin d’offrir des perspectives plus stables et un environnement propice à leur épanouissement psychologique et intellectuel. Mais l’état de plus en plus alarmant de la santé, notamment psychiatrique, en France ne semble malheureusement pas y être propice