Le Nantais Vincent Dock vient de publier Plantasia, sa première bande dessinée, aux éditions Sarbacane. Dans un univers aquarellé foisonnant d’une nature magique, il raconte l’histoire de deux soeurs, gérantes d’une boutique de fleurs un peu folle et détentrices d’un bonsaï alpha affaibli dont la vitalité de la forêt entière dépend… Une ode à la nature. Rencontre.
Au cœur d’un paysage luxuriant, étranges créatures et plantes feuillues entourent une jeune fille au chapeau singulier. C’est Lily, une des protagonistes imaginée par Vincent Dock. Avec son univers végétal touffu et ses teintes lumineuses, la couverture de Plantasia attire le regard. Le dessinateur et scénariste livre ici sa première bande dessinée.
C’est après des études en animation 2D à l’école Pivaut de Nantes qu’il se consacre à la bande dessinée et l’illustration. « J’avais surtout envie d’apprendre à dessiner », introduit-il. S’il s’intéresse pendant sa formation au cinéma d’animation, il s’est par la suite rendu compte qu’il préférait raconter ses propres histoires et développer son propre travail graphique.
Aux techniques modernes et numériques, il préfère le dessin traditionnel et l’aquarelle afin de conserver les sensations du dessin et de la peinture. « Peindre à l’aquarelle est instinctif », indique-t-il. « J’aime pouvoir dessiner à la plume et mettre des tâches de couleurs par-ci par-là pour travailler l’ambiance et bien capter la couleur de la lumière. » Sa sensibilité pour cette technique lui vient aussi de ses influences : Hugo Pratt et sa série Corto Maltese, Nicolas de Crécy et David Sala, des dessinateurs de bande dessinée dont le travail reste proche de la peinture.
Si Lily est seule présente sur la couverture, nous rencontrons dès la première page la grande sœur, Aurore, dont les cheveux sont aussi blonds et les mèches aussi rebelles. Alors que la plus jeune est encore dans les bras de Morphée, l’aînée vole sur son balai au-dessus des îles qui composent l’archipel dans lequel elles vivent, avant d’atterrir dans une forêt où des champignons s’éveillent à son arrivée. « J’avais envie de raconter l’histoire de deux personnages, un adulte et un plus enfantin, parce que j’aime bien les premiers films Pixar comme Le Monde Némo qui s’adresse un peu à tout le monde. » La cadette, Lily, est vive et curieuse de tout, mais fait preuve de maladresses. « C’est un mélange des traits de caractères de personnes de mon entourage, je trouvais intéressant de construire un personnage qui essaie de trouver sa place. » Aurore est plus sérieuse et se désespère parfois de l’insouciance de Lily, mais l’infantilise peut-être parfois. « Ce personnage, dans sa construction, est plus lié à moi : le fait d’être adulte et d’avoir des responsabilités, de devoir gérer des choses qu’elle n’a pas voulu. »
« J’avais envie que ce soit un livre qu’on puisse lire à son enfant, mais qu’on apprécie de le lire en même temps. »
Ses deux sœurs sorcières sont les gardiennes de la boutique Plantasia, qui tire son nom de l’œuvre phare de Mort Garson, compositeur allemand de musiques électroniques. Sorti en 1976, cet album de style ambient a la particularité d’être conçu pour être écouté par des plantes. « Mon entourage m’ a offert le vinyle quand il a appris sur quoi je travaillais. C’était cohérent avec mon histoire, le fait de considérer les plantes comme des êtres fantastiques. Ca donne aussi une histoire à la boutique des sœurs. »
Vincent Dock nous convie à découvrir ce lieu enchanté dans des planches habitées par la douceur de l’aquarelle, et lumineuses de jour comme de nuit. Dans ce havre de paix végétal, l’ambiance est tamisée, le dessin touffu et lumineux. On a envie de chuchoter pour ne pas déranger les habitantes principales : des plantes magiques. Il crée un monde fantastique où fleurit une biodiversité sereine. « Quand on s’intéresse au sujet, on se rend compte de la diversité incroyable qui existe. L’idée était de partir de plantes réelles et de pousser plus loin le curseur pour imaginer une flore magique. » Le dessinateur a retranscrit graphiquement ses interrogations, et s’est amusé à imaginer une nouvelle nature : que donnerait une plante qui pousserait dans un oiseau ? Ou une plante qui vivrait dans un lieu perpétuellement enneigé ?
Dans cette nature existent des plantes alpha dont dépend la vitalité de la forêt, et donc du monde végétal. Si l’une d’elle s’affaiblit, c’est toute la faune et la flore qui sont menacées… Si l’histoire est sortie de l’imagination de Vincent Dock, elle résonne avec des thématiques bien réelles comme l’écologie, le danger des extinctions et montre l’importance d’une biodiversité dont on prend soin. Peut-être est-ce son enfance dans les montagnes proches de la frontière suisse qui parlent, mais la lecture laisse entrevoir en filigrane une sensibilité certaine pour la nature et les plantes. « Ce sont des préoccupations qu’on peut tous avoir dans le monde actuel. Il y a aussi le fait de travailler sur du papier, de ne pas se perdre dans la modernité exacerbée et de revenir à quelque chose qui a avoir avec les plantes. »
Quand les sœurs ne sont pas à la boutique, elles grimpent sur leur balai et volent au-dessus des îles pour trouver de nouvelles espèces végétales magiques ou sauver celles en souffrance. « J’avais envie d’une sorte de road trip en balai. Je trouvais que graphiquement, ce serait intéressant de les voir se balader au-dessus des îles », explique-t-il. Il continue : « Quand j’ai commencé le projet, je venais de re-regarder La Belle et la bête de Cocteau. Dans le film, on a la sensation que les objets pourraient se mettre à bouger. J’ai eu envie de retranscrire cette dimension fantastique issue de l’univers du conte. » Et c’est chose réussie, Vincent Dock offre avec Plantasia un conte où la magie se lit dans chaque page.
Plantasia de Vincent Dock, éditions Sarbacane, 144 pages, 24€. Dès 8 ans. Parution : 2 avril 2025