Avec Ether, Etienne Chaize plonge au coeur des civilisations effondrées

ether etienne chaize
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Avec Ether aux éditions 2024, le jeune et talentueux Etienne Chaize nous invite à un voyage fantastique au coeur de civilisations effondrées ou imaginées. Prodigieux.

L’ennemi est aux portes de la cité d’Ur. Bientôt, la ville sera mise à sac et disparaîtra des mémoires. Les heures sont comptées : ce petit groupe de citoyens doit prendre la fuite et protéger quelques braises du feu sacré ; partir, portés par le fol espoir de rejoindre la mythique Agartha, où pourra renaître le foyer d’Ur. Le périlleux voyage pourrait durer des années : les haruspices de Tharsis les laisseront-ils passer ? Y a-t-il encore des spirites en Lémuria ? Agartha existe-telle seulement ? Qu’importe, la flamme d’Ur vacille, alors les exilés poursuivent leur chemin à travers tempêtes, cols enneigés et marais saumâtres.

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Avant d’être un livre Ether est déjà un magnifique objet : le format est ample pour offrir de l’espace aux paysages. L’impression remarquablement soignée décline toutes les nuances de couleurs. L’ouvrage, à la reliure cousue et au dos toilé, se prend délicatement comme un objet d’art qu’il est.

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Ether est avant tout un récit visuel, une narration par l’image. Quelques textes en bas de page suffisent à dire l’essentiel: l’ancestrale cité de Ur est tombée sous les coups d’ennemis anonymes. Le feu sacré qui dominait la ville s’est éteint et seuls quelques survivants ont réussi à emporter quelques braises pour rejoindre une autre cité sacrée, Agartha, là où s’achèvent les frontières du monde connu. Ils vont alors errer dans des paysages évocateurs de civilisations disparues. On croit y reconnaitre des cathédrales des temps catholiques. On pense reconnaître des cités Aztèques ou Incas. On entrevoit le pays des Celtes sur les falaises maritimes. Etienne Chaize nous a précisé que son ouvrage précédent Hélios, était en fait un brouillon. ll avait traité à l’ordinateur des tableaux, des images existantes, et les avait modifiées selon son imaginaire. Avec Ether, poursuit il, il a osé abandonner ses références et créer ses propres images, ses propres fantasmes. Et libérer ainsi son talent.

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Ce sont bien ses images saisies dans un format vertigineux qui font l’ouvrage. Les personnages sont minuscules, éclairés par quelques flambeaux qui éclaboussent les feuilles de leur lumière jaune. On dirait des décalcomanies posées sur des tableaux. Leurs silhouettes, leurs attitudes, rappellent les personnages de la tapisserie de Bayeux. Ils sont nets, leurs traits précis, personnages minuscules perdus dans l’immensité de paysages évanescents. Ils avancent, ils cherchent et peu importe leurs combats ou leurs difficultés. On ne sait rien d’eux, on ne voit que leur errance. Ils sont insignifiants dans l’immensité de la Nature qui les domine. Ils sont en quête.  

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En tournant les pages presque silencieuses, on suit leur périple des yeux. A la deuxième « lecture », et aux suivantes, on abandonne rapidement le texte pour se plonger dans les ambiances, les atmosphères neigeuse, brumeuse, maritime. Tout est subtil et on se surprend à incliner l’ouvrage pour offrir une lumière différente aux dessins parfois en double page. Ce nouvel éclairage laisse entrevoir une autre vision, encore plus fugace. Le blanc immaculé se tache de légères silhouettes et d’ombres duveteuses. Le noir profond laisse apparaitre des nuances de gris infinies. On apprend, immobile, à regarder plus loin, plus fort. Mieux. On voyage dans l’imaginaire. On s’arrête pour contempler.  

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Nicolas Poussin recomposait des scènes mythologiques en incluant des ruines romaines. Etienne Chaize construit un monde onirique à partir de mondes engloutis. Chacun mettra ses références en fonction de sa culture, de ses voyages, de ses goûts. Certains dessins, nous rappellent les eaux-fortes de Rembrandt et son clair obscur. Comme pour le peintre hollandais, il fait rarement jour dans le monde d’Etienne Chaize. Seule la dernière page chasse la nuit pour découvrir un paysage plus conforme à notre réalité. Une manière de nous ramener les pieds sur terre. En douceur.       

Ether de Etienne Chaize. Editions 2024. 60 pages. 32€.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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