Landru, je n’ai rien à vous dire ! Le procès du 25 février 1922 reconstitué et théâtralisé

Landru

Les Journées Européennes du patrimoine 2024 avaient proposé au public de pénétrer dans le tribunal de Versailles dans les Yvelines pour vivre le procès de Henri Désiré Landru, le premier tueur en série français à l’endroit même où Henri Désiré Landru a été jugé et exécuté autrefois. Face au succès rencontré, la scène théâtrale a joué les prolongations à La cour d’appel de Paris le 3 octobre dernier, dans le cadre de l’édition 2024 de la Nuit du droit.

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Créée en 2017 par Laurent Fabius, la Nuit du Droit est depuis un évènement culturel qui se déroule chaque année et qui a pour objectif de sensibiliser le public à l’importance du droit dans la société, ses principes, ses institutions et ses professions. La 6e édition de cette manifestation a eu lieu le jeudi 3 octobre 2024, veille du 66e anniversaire de la Constitution française de 1958. Une centaine de juridictions se sont mobilisées dans le pays pour proposer des rencontres pédagogiques, parfois ludiques. Le tribunal parisien a choisi d’accueillir la pièce de théâtre, intitulée : Landru, Je n’ai rien à vous dire, une pièce du comédien et metteur en scène yvelinois Louis Barraud, soutenu par Jelena Jocic.

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Les spectateurs ont assisté à la reconstitution de ce procès historique et se sont régalés du franc-parler et des répliques assassines de l’accusé : Montrez-moi les corps ! car en l’absence de preuves matérielles et d’aveux, Landru est loquace et épate de ses yeux perçants ! Séducteur, escroc, accusé de onze assassinats, le diabolique Henri Désiré Landru n’avouera jamais ! Il clame son innocence haut et fort ; après tout, aucun corps n’a été retrouvé, donc il n’y a pas de preuves…

L’approche est réelle et historique, car il s’agit de la reconstitution d’un procès écrit à partir d’archives et jouée en tenues d’époque. Les recherches ont été nombreuses et réalisées aux archives départementales de Montigny-le-Bretonneux dans les Yvelines ; La pièce est jouée par Margaux Jaeger, Gautier Jeanbart, Romain Pirosa, François Priou, Domitille Leboeuf et Louis Barraud lui-même dans le rôle du juge Gabriel Bonin. Quant aux jurés, ils ont été tirés au sort parmi le public afin de rendre leur verdict ; en leur âme et conscience, ils ont annoncé la sentence…

 80 % des citations de la pièce ont réellement été prononcées au tribunal et 20 % relèvent de l’écriture… 

Portrait du premier tueur en série français

Henri Désiré Landru (1869-1922) est arrêté le 12 avril 1919, le jour de son cinquantième anniversaire, à Paris. Mais c’est à Gambais dans les Yvelines qu’il a réalisé la plupart de ses crimes. Jugé à Versailles devant la presse internationale, il est condamné à mort le 1er décembre 1921 et guillotiné à l’aube du samedi 25 février 1922, à 6h05…

Né le 12 avril 1869 dans le quartier de Belleville à Paris, Henri Landru est le fils cadet, après Florentine, de parents modestes : son père Julien Landru est chauffeur et sa mère, née Flore Henriquel est couturière et blanchisseuse. Le jeune Henri Landru fréquente l’école primaire chez les Frères et devient enfant de cœur et même sous diacre à l’église Saint-Louis ! Doué pour le dessin et les mathématiques, il va exercer le métier de commis d’architecte. Il effectue ses trois années réglementaires de service militaire au 87e régiment d’infanterie à Saint-Quentin, où il obtient le grade de sergent. En 1893 à son retour, il se marie avec sa cousine Marie-Catherine Rémy avec laquelle il aura quatre enfants, deux filles : Henriette et Suzanne et deux garçons : Maurice et Charles, nés entre 1891 et 1900. 

La naissance des quatre enfants met le couple dans la difficulté financière et le père de famille enchaîne toutes sortes de professions : couvreur, comptable, employé de commerce, cartographe, plombier, fabricant de bicyclettes, etc. Il ne parvient cependant pas à subvenir aux besoins de sa famille et commence à escroquer de nombreuses personnes afin de leur soutirer de l’argent. Caché sous de nombreux faux noms, dont le plus célèbre a été Monsieur Tartempion, Henri Désiré Landru collectionne les escroqueries et les condamnations à des peines d’amende et de prison : il fait deux ans de détention en 1904, treize mois en 1906 et trois ans en 1909. En 1914, il est condamné une fois de plus, et parce qu’en qualité de multirécidiviste il risque d’être condamné à la déportation à vie au bagne de Guyane, il décide à ce moment là de vivre dans la clandestinité.

Pendant la Première Guerre mondiale, Henri Désiré Landru loue une maison d’abord à La Chaussée-Gouvieux (60), puis à Vernouillet (78), avant de s’établir dans la maison de Gambais dans les Yvelines, où il invite plusieurs femmes qu’il rencontre  par le biais d’annonces matrimoniales et qu’il courtise, souvent au Jardin du Luxembourg de Paris. Lors de sa centaine de contacts, Landru se présente toujours de la meilleure manière, comme étant veuf, aisé financièrement et capable de subvenir à leurs besoins. Les braves et malheureuses femmes sont conquises ! Seules, souvent veuves de guerre ou vieilles filles en quête de mariage, elles pénètrent en toute confiance dans la maison, dont elles ne ressortiront jamais ! D’ailleurs, quand Henri Désiré Landru se munit de billets de trains pour rejoindre La villa Tric de Gambais, il prend la précaution d’acheter un billet aller-retour pour lui, alors que pour son invitée, le billet est un aller simple ! L’escroc se montre charmant, prévenant et surtout manipulateur : il met ensuite la main sur les économies et les biens mobiliers de ces convives, puis les revend pour se faire de l’argent. En parallèle, il rentre de temps en temps auprès de son épouse et de ses enfants, sous sa vraie identité, leur laissant croire qu’il exerce la profession de brocanteur.

Dès 1915, des proches de disparus font part de leur inquiétude à Eugène Vasseur, le maire de Gambais. La maison de Gambais attire aussi l’attention du voisinage parce que des odeurs nauséabondes s’échappent de la cheminée à des périodes de l’année qui ne demandent pourtant pas de chauffage, une odeur caractéristique, selon un boucher, de chair brûlée ! Les villageois témoignent tous qu’ils connaissent bien ce petit homme chauve et barbu, coiffé d’un chapeau melon, qui arrive à chaque fois avec une femme différente et qui repart toujours seul !

 Fin 1918, Georges Auchet, le nouveau maire, est alerté par une lettre postée par une certaine Madame Pellat qui s’inquiète de ne plus avoir de nouvelles de son amie Anne Collomb depuis qu’elle s’est installée à Gambais, puis par un autre courrier d’une certaine Mademoiselle Lacoste qui, dans des conditions similaires, lui demande des nouvelles de sa sœur, Célestine Buisson. Les deux femmes vivraient à Gambais, pour la première chez un Monsieur Dupont, pour l’autre chez un Monsieur Frémy. Le maire déclenche alors une enquête menée par l’inspecteur Jules Belin ; L’enquête piétine un temps, mais le 8 avril 1919, Mademoiselle Lacoste reconnaît le mystérieux homme au bras d’une nouvelle amie ! Il est alors vite établi que ces deux messieurs de Gambais ne sont qu’une seule personne : Henri Désiré Landru !

 Landru est arrêté le 12 avril 1919 à Paris : il est en compagnie de Fernande Segret, sa maîtresse. L’affaire fait immédiatement la une des journaux. Des débris humains, soit 4,176 kg de débris d’os calcinés dans un tas de cendres sont retrouvés dans le hangar et dans la cuisinière de la maison de Gambais lors de sa perquisition ; les enquêteurs retrouvent également 47 dents, des agrafes, des épingles à cheveux, des morceaux de corset, et des boutons en partie brûlés. Le carnet de Landru est trouvé : il y consignait une liste de noms de femmes et les chiffres de 1 à 7 : 1 pour lui ; 2 pour sa femme ; 3 et 4 pour ses fils ; 5 et 6 pour ses filles et 7 pour sa maîtresse

Le juge Gabriel Bonin (1878-1922) inculpe Henri Désiré Landru de meurtres le 14 avril 1919. Le procès de Landru déplace des foules, à tel point que des trains sont spécialement affrétés au départ de la gare Montparnasse de Paris pour permettre au public de se rendre aux assises de Versailles. Les gens sont même assis par terre, tant le procès suscite l’engouement ! Le tout-Paris s’y presse, des artistes comme Maurice Chevalier ou encore Mistinguett…

Le procès s’avère compliqué par l’absence de corps et le manque de coopération de l’accusé. De nombreuses pièces à convictions sont cependant exposées : la cuisinière, de nombreuses perruques, des scies, une salle à manger Henri II au complet, etc. Landru est cependant reconnu coupable d’avoir spolié et assassiné dix femmes veuves ou délaissées, le fils de l’une d’entre elles (venu vivre chez Landru avec sa mère) et d’avoir fait disparaître leurs cadavres. Il est condamné à la peine de mort. Le président de la république Alexandre Millerand refuse la grâce…

Ironie du sort ? le juge Gabriel Bonin meurt brutalement, en avril 1922. 

La liquidation de ses objets mobiliers s’est achevée par une vente aux enchères dans la salle de la Cour d’assises de Versailles, le 27 janvier 1923, soit presque un an après son exécution. Cette vente s’est déroulée dans une atmosphère de gaieté et de plaisanteries. La pièce de choix était la cuisinière, adjugée à 4 200 francs !

Le corps de Landru a été enterré dans le cimetière des Conards de Versailles juste après sa décapitation. A cette époque, il existait un emplacement pour les condamnés à mort dans un coin du cimetière. Aujourd’hui, l’administration de Versailles ne possède aucune archive concernant son emplacement ! Une hypothèse indiquerait que la famille Landru aurait déplacé les restes du tueur dans ce même cimetière, mais qu’une nouvelle allée aurait ensuite recouvert le lieu. Une autre hypothèse indiquait dans un article du journal La Presse, en date du 1er novembre 1927, que la famille Landru avait pris une concession de cinq années, et qu’elle était arrivée à terme et que les ornements de la sépulture avait donc été retirés ! Difficile d’en savoir plus, d’autant que les quatre enfants d’Henri Désiré Landru se sont réfugiés dans l’anonymat en adoptant le nom de jeune fille de leur mère…

Ci-dessous les photographies des victimes d’Henri Désiré Landru

Landru
Jeanne Cuchet, 39 ans et son fils André, 17 ans : les deux premières victimes en février 1915 – Thérèse Laborde, 46 ans : 3e victime en juin 1915 – Marie-Angélique Guillin, 52 ans : 4e victime en août 1915

Berthe Héon, 55 ans : 5e victime en décembre 1915 – Anna Collomb, 44 ans : 6e victime en décembre 1916 – Andrée Babelay, 19 ans : 7e victime en avril 1917 – Célestine Buisson : 8e victime en septembre 1917

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Louise Jaume, 38 ans : 9e victime en novembre 1917 – Anne-Marie Pascal, dite Annette, 39 ans : 10e victime en avril 2018 – Marie -Thérèse Marchadier, 39 ans : 11e victime en janvier 1919

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Martine Gatti
Martine Gatti est une jeune retraitée correspondante de presse locale dans le pays de Ploërmel depuis bien des années.