LA TROP COURTE VIE D’ÉVARISTE GALOIS LE RIMBAUD DES MATHÉMATIQUES

Évariste, roman de François-Henri Désérable, c’est Évariste Galois, passé sur terre comme l’éclair, mort à 20 ans d’un duel au pistolet, aussi stupide qu’incompréhensible, qui priva la communauté des savants du plus grand génie français de l’algèbre un jour du printemps 1832. Un jeune homme aussi bouillonnant en mathématiques qu’en politique et en amour. La vie brève Évariste est un véritable roman que François-Henri Désérable nous sert avec brio.

evariste

Le jeune homme fut rejeté d’à peu près tout et de tous, institutions et professeurs. L’École Polytechnique n’en voulut pas, laissant indifférents les mathématiciens, maîtres et seigneurs de la prestigieuse école, dépassés sans aucun doute par le génie du jeune homme.

Évariste se replia sur l’École Normale, la future « Normale Sup’ », qui ne toléra pas, elle, son indiscipline et l’en chassa. Il est vrai qu’« Évariste avait l’insulte facile » écrit François-Henri Désérable. Le garçon était difficile, mais on peut le comprendre : à 18 ans, son mémoire, « Sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux », disparut fâcheusement par la désinvolture d’un certain Cauchy, membre de l’Académie des Sciences. Évariste dut le réécrire et son travail sera lu, cette fois-là dans l’enthousiasme, par Fourier, secrétaire perpétuel de l’Académie, mort, hélas, avant d’avoir pu le présenter à ses doctes pairs sous la Coupole !

Les 27, 28 et 29 juillet 1830, journées de soulèvement des « Trois Glorieuses », enflammeront aussi le républicain Évariste, tout comme ses camarades de l’École Normale, « prêts à transformer la fougue de leur jeunesse impétueuse en matière à récits héroïques. » La révolte d’Évariste se terminera à la prison de Sainte-Pélagie, pour « injure au Roi. » Il y croisera Alexandre Dumas et Gérard de Nerval, « le ténébreux, le veuf, l’inconsolé », ajoutant à sa singulière existence une note d’aventure romanesque. Au même moment, le choléra, ce « tueur de la pire espèce », décimera la population parisienne. « On n’avait plus tremblé de la sorte depuis la Grande Terreur, entre prairial et thermidor. » Le mal qui s’est vite propagé enverra Évariste vers une maison de santé privée, sur instruction prudente du directeur de Sainte-Pélagie après qu’on eut découvert que la maladie avait aussi franchi les murs de la prison, y faisant parmi les détenus une première victime, « les yeux excavés, la langue blanche, pendante, les lèvres tremblotantes, violacées et la peau bleuie. »

EVARISTE GALOIS

Entre-temps, Évariste, toujours pris par sa fougue et son génie mathématique, se plongera à nouveau dans son mémoire sur les équations qui sera dans l’histoire de la discipline un « événement fondateur des mathématiques modernes. » Il le complétera, en sept pages testamentaires, écrites dans la nuit du 30 au 31 mai dans l’urgence et la fièvre de ses derniers moments de liberté, à la veille de ce duel imbécile qui lui coûtera la vie. « C’est par la main d’un gamin de vingt ans que ces feuilles sont arrivées jusqu’à nous, un gamin qui, à vingt ans, avait la grâce au bout du poignet, écrit François-Henri Désérable, ce je ne-sais-quoi qui vous touche à l’improviste et qui vous foudroie, vous laissant pantelant dans la nuit, au petit matin chancelant d’avoir connu tout à la fois l’ivresse et la fureur, l’absolu, le vertige et le salut. La grande fête de l’esprit pendant quelques heures jusqu’au bout de la nuit. »

 

Au petit matin du 31 mai, Évariste Galois sera abattu d’une balle de pistolet dans un duel provoqué par un certain Pescheux, rival amoureux de la trouble et troublante Stéphanie, une jeune fille qui lui fit vivre d’intenses moments d’émotions et une brève étreinte sans lendemain. Un paysan trouvera son corps avec un trou rouge au ventre, comme le Dormeur du Val de Rimbaud, cet autre acteur d’un fulgurant destin.

François-Henri Désérable a écrit là, d’une plume qui vous emporte en vingt courts chapitres – vingt comme le nombre d’années d’Évariste ici-bas -, le récit magnifique, mené tambour battant, de la vie, abrégée dans le sang, d’un être d’exception qui a traversé l’existence comme un éclair. Sera-ce la signature et le thème privilégié de ce jeune écrivain qui nous avait déjà donné à lire en 2013 le récit d’autres vie abrégées dans Tu montreras ma tête au peuple ?

Évariste, de François-Henri Désérable, Gallimard, collection Folio, 2016, 192 pages, ISBN 978-2-07-079347-1, prix : 6.90 euros.
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