Rennes Métropole vient d’annoncer la mise en place de trois journées de gratuité totale sur le réseau STAR en 2025 afin de soutenir le commerce du centre-ville de Rennes. Louable. Mais derrière l’affichage de cette mesure, c’est un problème plus structurel qui pèse lourdement sur l’avenir commercial de la métropole : la flambée des loyers commerciaux et le turn-over incessant des magasins à Rennes depuis 30 ans.
Mercredi 25 juin (Grande Braderie), samedi 27 septembre (opération « Rues Vivantes »), dimanche 21 décembre (veille de Noël) : telles sont les trois dates choisies par Rennes Métropole pour offrir la gratuité totale des transports en commun STAR en 2025. Bus, métros et parkings-relais seront ouverts gratuitement à tous. Coût de l’opération : environ 280 000 €.
L’objectif est triple :
- faciliter l’accès au centre-ville,
- soutenir la fréquentation des commerces,
- encourager des mobilités plus durables.
Un outil d’animation économique bienvenu pour juguler la concurrence croissante des zones commerciales périphériques (Cap Malo, Alma, Grand Quartier, etc.) et de l’e-commerce.
Mais derrière l’affluence, un tissu commercial fragile
En apparence, le centre-ville rennais conserve une vitalité enviée. Ses rues piétonnes, ses enseignes dynamiques et son ambiance de quartier attirent toujours habitants et touristes. Pourtant, la rotation des commerces reste élevée. Ces dernières années, plusieurs vitrines ont fermé dans l’hyper-centre (rue Le Bastard, rue d’Orléans, rue de Toulouse, etc.), remplacées souvent par des franchises nationales ou des enseignes premium capables de supporter des loyers stratosphériques.
L’essentiel du problème est connu : un marché des baux commerciaux devenu hautement spéculatif. Certaines rues commerçantes affichent des loyers atteignant 2 500 à 3 500 €/m²/an pour les meilleures cellules commerciales. Des niveaux proches de certaines zones de Lyon, Bordeaux et même du centre de Paris ; des loyers disproportionnés par rapport au chiffre d’affaires réalisable par de petits commerces indépendants.
Rennes n’est pas seule : une fâcheuse dynamique nationale
Cette situation rennaise s’inscrit dans une dynamique plus large qui touche la plupart des grandes métropoles françaises :
Ville | Loyer commercial moyen (zone prime, 2024) | Taux de vacance des cellules |
---|---|---|
Paris (Marais, Saint-Germain) | 5 000 à 10 000 €/m²/an | 3-4 % |
Lyon (Presqu’île) | 3 000 à 5 000 €/m²/an | 6-7 % |
Bordeaux (Sainte-Catherine) | 3 000 à 4 500 €/m²/an | 7-8 % |
Nantes (Commerce / Bouffay) | 2 000 à 3 000 €/m²/an | 8-10 % |
Rennes (centre historique) | 2 500 à 3 500 €/m²/an | 10-12 % |
À Rennes, le taux de vacance commercial a progressé depuis la crise sanitaire. Selon nos informations, il atteindrait aujourd’hui jusqu’à 12 % selon les quartiers et les types de cellules. Ce qui témoigne à la fois d’une forte tension sur les loyers et d’une difficulté à trouver des exploitants viables.
Des solutions expérimentées ailleurs
En réponse à cette spirale spéculative, plusieurs villes ont tenté d’innover afin de préserver la diversité de leurs centres :
1. La préemption commerciale
À Paris, Lyon ou Lille, des dispositifs permettent aux collectivités de préempter des cellules vacantes ou mises en vente, afin d’y installer des commerces dits « essentiels » : librairies (rappelons-nous la bien triste fermeture de l’excellente librairie Le chercheur d’art rue Hoche), boucheries, cordonniers, disquaires, etc.
2. La foncière commerciale publique ou mixte
Certaines villes (notamment Nantes avec sa foncière Nantes Métropole Aménagement) développent des foncières publiques capables d’acquérir et de louer des locaux à loyers modérés, en ciblant les activités stratégiques pour la vitalité du centre.
3. Les observatoires locaux des loyers commerciaux
Lyon ou Paris ont mis en place des observatoires permettant de suivre et objectiver les évolutions de loyers, pour anticiper les dérives et guider les politiques d’urbanisme commercial.
4. La modulation des droits de mutation
Quelques pistes émergent (encore peu utilisées) relatives à des dispositifs fiscaux qui visent à taxer davantage la spéculation commerciale et favoriser la location plutôt que la vente.
Rennes à la croisée des chemins
Pour l’heure, Rennes Métropole agit surtout à travers des actions de dynamisation (braderies, piétonnisations, animations commerciales, gratuités ponctuelles). Mais la question des baux commerciaux reste encore largement laissée au libre jeu du marché privé. Or, l’enjeu est crucial pour préserver l’identité du centre-ville rennais devant l’actuelle uniformisation par les seules grandes enseignes qui font que les centres-villes de France et de toute l’Europe finissent par peu ou prou se ressembler.
FAQ Unidivers — Tout comprendre aux baux commerciaux à Rennes
Pourquoi les loyers des commerces flambent-ils à Rennes ?
- La rareté des emplacements centraux : Rennes possède un centre historique limité mais très attractif.
- La spéculation immobilière : Des investisseurs institutionnels achètent des murs commerciaux et pratiquent des hausses de loyers agressives.
- L’indexation des baux : Les loyers commerciaux sont indexés sur des indices qui ont fortement progressé avec l’inflation récente.
Qu’est-ce qu’un bail commercial ?
C’est un contrat de location entre un propriétaire et un exploitant de commerce. Il est généralement signé pour 9 ans renouvelables, mais le locataire peut résilier tous les 3 ans. Le montant du loyer est librement fixé, mais souvent renégocié au moment des renouvellements.
Qui profite de cette situation ?
Principalement les foncières, les investisseurs patrimoniaux et les SCPI spécialisées dans l’immobilier commercial qui utilisent les centres-villes comme des actifs financiers à fort rendement.
Pourquoi les petits commerces souffrent-ils plus que les franchises ?
Les grandes enseignes disposent de trésoreries solides et peuvent mutualiser leurs risques sur plusieurs points de vente. Les petits indépendants, eux, supportent seuls des loyers qui peuvent représenter 20 à 30 % de leur chiffre d’affaires.
Que pourrait faire Rennes Métropole pour changer la donne ?
- Intervenir sur le foncier à travers des foncières publiques ;
- Mettre en place un observatoire des loyers commerciaux ;
- Encadrer certains loyers par convention ;
- Moduler la fiscalité locale selon les types de commerces implantés.