Le Tambour de l’Université Rennes 2 accueille Éloge de la forêt, un spectacle de Patrick Scheyder et Thomas Brail, mardi 18 novembre 2025, en ouverture du festival Transversales. La pièce mêle les disciplines et interroge notre lien aux arbres et à leur protection avec humour, poésie et lucidité.
« Savoir que le présent est dur et que le futur sera pire est un constat violent. » Engagé dans le spectacle vivant depuis une dizaine d’années, Patrick Scheyder a imaginé Éloge de la forêt comme un objet créatif hybride qui prend le contre-pied d’une écologie uniquement punitive. « On peut avoir l’impression que seule la lutte violente fonctionne », souligne le pianiste et auteur. « Il n’est pas nécessaire d’être chercheur ou spécialiste pour agir ; les artistes le peuvent aussi : George Sand a sauvé, en 1872, la forêt de Fontainebleau de l’abattage ; en France, les peintres de Barbizon ont arraché au pouvoir la première mesure de protection des espaces naturels au monde. »
L’auteur part d’un principe simple : l’avenir de l’écologie repose sur la capacité à convaincre celles et ceux qui ne sont pas déjà acquis au sujet. Il a donc créé, entouré d’une équipe plurielle, un « ovni heureux » plutôt qu’un spectacle moralisateur. Éloge de la forêt est un conte écologique d’un genre nouveau, qui raconte une histoire belle, drôle, parfois grave, mais toujours sincère. La création interroge notre lien aux arbres et à leur protection en allant toucher le public dans sa sensibilité. Sujet à la fois scientifique et politique, l’écologie est ici abordée par le prisme de « l’écologie culturelle » chère à l’artiste : une invitation à se reconnecter par le cœur et les émotions, en observant les relations entre les sociétés humaines et leur environnement.

Un conte écologique réinventé
Comment créer un spectacle séduisant qui parle à tous ? Éloge de la forêt convoque l’imaginaire du conte traditionnel : chemin initiatique, rêverie, sens, morale, magie, transformation de l’esprit. « Tout n’est pas rose dans les contes, mais on donne un sens aux événements, heureux ou malheureux. » La création mêle danse, musique et acrobatie, en accordant une place centrale au corps des interprètes. Par leurs mouvements et leurs chorégraphies, ils donnent à voir l’impact du dérèglement climatique et la difficulté de l’être humain à s’adapter à ces changements.
Sur scène, Patrick Scheyder, la comédienne Emma Varich, l’arboriste-grimpeur Thomas Brail, l’acrobate aérienne Faustine Morvan, le rappeur Nelson Delapalme et le compositeur et sound-designer Imam Morin forment une troupe soudée. Elle partage leur sensibilité et passion communes. « Ce sont des rencontres plus que des calculs, c’est ce qui fait notre cohésion », résume-t-il. D’âges et d’horizons différents (de 21 à 65 ans), ils apportent chacun une couleur singulière. « Sur scène, on montre la réalité de notre vie, ni plus ni moins, et on s’éclate, parce qu’on a aussi envie de vivre heureux. » Malgré les difficultés abordées, le spectacle reste bien un éloge : il offre une vision positive du monde, comme un antidote à l’éco-anxiété.
Le ton reste léger, parfois facétieux. Les saynètes qui rythment le récit facilitent l’écoute : « Nous nous plaçons au niveau des gens pour partager un discours qui puisse parler à tous les publics, à tous les milieux sociaux », explique l’artiste.


Une pièce pluridisciplinaire au rythme cinématographique
Au cœur d’Éloge de la forêt, on retrouve un rythme proche du cinéma : tableaux courts, rebondissements, alternance de scènes comme autant de plans en direct. « Le lien entre eux n’est pas forcément visible dès la première minute », précise Patrick Scheyder. Cette façon de travailler marque un tournant dans sa démarche artistique : « Ce spectacle est une révolution pour moi, j’ai changé d’univers et d’habitudes, et c’est pour mon plus grand bien. »
Sans parler d’un “avant” et d’un “après” Éloge de la forêt, le musicien estime avoir ajouté « un bras » à son corps créatif. « Ça a été le cas pour tout le monde. Thomas Brail, par exemple, aime le rock et chante très bien. Aujourd’hui il monte sur scène et reprend des compositions, ce qu’il ne faisait pas auparavant. »

L’art comme levier de sensibilisation
« L’art est souvent associé à un processus nombriliste, mais il doit aussi avoir une vision sociale. » Dans cette création, Patrick Scheyder pose donc une question simple, mais fondamentale : en quoi son art est-il utile ? D’où le clin d’œil à George Sand et Victor Hugo au début du spectacle. « Ces générations ont su écrire, mais aussi mettre leur talent au service de causes précises. Elles avaient le sens de la responsabilité et l’envie d’inspirer. » De l’émotion individuelle naît ici une énergie collective au service d’un propos écologique. « Éloge de la forêt est un ovni heureux qui donne envie d’en faire d’autres », conclut-il.
« L’art a une dimension politique, il ne peut pas être en dehors du flux social. Il faut faire passer l’humain avant l’artiste. »
Infos pratiques :
Le Tambour (bât. O), campus de Villejean (Rennes)
Mardi 18 novembre 2025, 20h. Durée : 1h30 (spectacle + bord de scène)
À partir de 7 ans
Tarifs : 12 € / 5 € / 3 € / Gratuit pour les étudiants des universités de Rennes. Billetterie
