Le 22 mai 2025, Rennes se verra officiellement décerner une quatrième étoile du label national « Éco-propre », qui récompense les communes pour la propreté de leurs espaces publics. Un coup de projecteur flatteur pour la capitale bretonne, souvent citée en exemple pour ses politiques environnementales. Mais cette reconnaissance correspond-elle vraiment à ce que vivent les habitants au quotidien ? Loin du satisfecit institutionnel, les avis sur le terrain révèlent une réalité plus contrastée.
Créé en 2016, le label « Éco-propre » vise à valoriser les démarches globales de propreté urbaine. Il est attribué selon 36 critères, allant de la gestion des déchets au nombre de corbeilles de rue, en passant par l’éducation à la propreté. Il comporte cinq niveaux, symbolisés par des étoiles. La quatrième obtenue par Rennes en 2025 indique un très haut niveau d’exigence.
Un label aux critères objectifs… mais limités ?
Mis en place par l’association Les Éco Maires, le label « Éco-propre » s’appuie sur une grille d’évaluation technique : fréquence de nettoyage, taux de déchets au sol, sensibilisation citoyenne, équipements de propreté, etc. Rennes rejoint ainsi le cercle restreint des villes ayant atteint ce niveau de distinction, aux côtés de métropoles comme Nantes, Grenoble ou Toulouse.
« C’est une belle reconnaissance du travail des agents de propreté urbaine et de notre stratégie zéro déchet », s’est félicité Cyrille Morel, élu délégué à la propreté urbaine. La ville souligne notamment la généralisation des corbeilles à tri, les brigades vertes ou, encore, l’engagement des citoyens à travers des opérations de ramassage participatif. Mais les critiques n’ont pas tardé à se faire entendre.
Ce que disent les internautes : entre scepticisme, ironie et colère… contre la mairie mais aussi les gens sales
À peine l’annonce diffusée, les réactions des Rennais sur les réseaux sociaux n’ont pas manqué de piquant :
« Une étoile pour la propreté ? Venez faire un tour rue de Saint-Malo un samedi matin. » — Julien, via Facebook
« La quatrième étoile, mais toujours des trottoirs recouverts de déjections canines. C’est ça le modèle ? » — Jeanne., sur X
« Les agents font un boulot incroyable. Mais entre les poubelles débordantes près du Mail et les dépôts sauvages à Cleunay, je me demande comment ils calculent l’étoile… » — Maël de vive voix
« Et les tags ? Il suffit de se balader rue d’Antrain ou près de la place Sainte-Anne pour voir des murs recouverts de graffitis depuis des mois. Ils sont parfois beaux, mais la plupart sont très très moches… » — Valérie via le groupe Facebook
« Mais enfin, vous avez vu la saleté de la Vilaine ? Ca fait des années qu’on demande en vain des vrais mesures de nettoyage… » Raymond de vive voix
« On croit rêver. Le centre ville de Rennes est sale dégueulasse. Les machines qui nettoient sur la vidéo, c’est seulement après le marché des Lices le samedi. On ne les voit jamais, mais vraiment jamais les autres jours dans le centre-ville qui sent l’urine à plein nez autant au nord qu’au sud de la vilaine, du verre cassé partout dans les rues, des bouteilles et des déjections de toutes sortes – Angélique via Facebook
D’autres, au contraire, saluent les efforts accomplis :
« Je reviens de Paris : Rennes est un bijou en comparaison. Merci aux services de nettoyage de Rennes, super boulot ! » — Patrick, via Facebook
« La propreté, c’est aussi l’affaire de chacun. Il y a encore des incivilités, mais je trouve que ça s’améliore franchement. » — Anaïs, via Facebook
« Par contre rien pour ramasser les crottes de chien … des distributeurs de sacs seraient appréciables ! » — Sébastien, via Facebook
« C’est propre dans l’ensemble c’est vrai et surtout ça ne pue pas les égouts et c’est appréciable ! Il n’y a que du côté du Bd de Chezy que ça daube vraiment. » Triskell via Facebook
« Sont courageux ces employés , recommencer chaque matin ce qu on a fait la veille . La population devient de plus en plus dégueulasse et non respectueuse des agents de la salubrité. » Dom via Facebook
« Heu, si c’est sale, c’est pas la faute du service de propreté. C’est parce qu’il y a des dégeulasses qui n’en ont rien à foutre. Combien de fois j’ai vu des jeunes et des moins jeunes laisser tomber parterre un emballage de je-ne-sais-quoi alors même qu’il avait une poubelle pas loin ? Rennes offre de faire enlever gratuitement les objets encombrants en appelant le service dédié. Certains le font, certains laissent leurs grosses merd… sur les trottoirs en partant du principe qu’ils seront retirés et pas vus pas pris. Non, la ville est propre, mais y a pas mal de Rennais qui sont sales. C’est pas pareil… » — Michel, de vive voix.
Des moyens concrets, des agents sur le terrain chaque jour
Derrière l’attribution du label « Éco-propre » se trouvent des moyens humains, techniques et financiers considérables. À Rennes, plus de 100 agents de propreté urbaine sont mobilisés chaque jour pour assurer le nettoyage des voiries, trottoirs, espaces verts, places, marchés et abords des équipements publics. Leur action, souvent invisible, est pourtant cruciale : balayage mécanique ou manuel, vidage des corbeilles, enlèvement des dépôts sauvages, nettoyage des graffitis, lavage à haute pression en centre-ville ou encore interventions après manifestations culturelles et sportives.
La Direction de la voirie – Service Propreté et fêtes de la Ville de Rennes coordonne également le nettoyage spécifique des lieux de fête (par exemple après la Braderie ou la Fête de la musique), tout en assurant une veille réactive sur les points noirs signalés à travers l’application citoyenne Cité Zen..
Ce service représente un budget annuel conséquent : en 2023, près de 11 millions d’euros ont été consacrés à la propreté urbaine à Rennes Métropole, incluant les salaires, le matériel (balayeuses, laveuses, camions), les produits, et la gestion des déchets. En parallèle, des actions de sensibilisation sont menées auprès des écoles, des associations et du grand public, dans le but d’impliquer davantage les habitants dans l’effort collectif.
Entre réalité urbaine et marketing territorial
Le débat relance une question classique : où s’arrête la réalité, où commence la communication ? Si Rennes s’inscrit depuis plusieurs années dans une dynamique écologique, la perception des habitants semble dépendre des quartiers, des horaires et du degré d’attention. Beaucoup de Rennais interrogés soulignent que la ville souffre d’un traitement inégal selon les zones : le centre historique et les abords des lieux culturels sont souvent bien entretenus, mais les quartiers périphériques ou les zones industrielles voient la fréquence des nettoyages baisser. Et un problème revient avec insistance : les tags. Si la ville tolère certaines fresques-frasques d’art urbain, de nombreux murs, rideaux de fer et façades d’immeubles sont couverts de tags sauvages, parfois vulgaires, offensants ou politiques, rarement nettoyés rapidement. Une dimension pourtant peu prise en compte dans les critères du label.
Propre, oui — mais propre pour qui, et à quel moment ?
Rennes décroche sa quatrième étoile « Éco-propre » et personne ne nie que des efforts considérables ont été faits. Mais la perception quotidienne, elle, demeure subjective et parfois acérée. L’étoile brille-t-elle de mille feux ou masque-t-elle les zones d’ombre ? Une chose est sûre : les Rennais ne sont pas dupes, et continuent de scruter leur ville avec autant de fierté que d’exigence.