Depuis le 18 juin 2025, la Ville de Rennes déploie une nouvelle campagne de prévention à destination des jeunes pour les dissuader d’entrer dans les réseaux de narcotrafic. Intitulée « Y’a rien à attendre du deal », cette opération associe clip vidéo, affichage urbain et QR code, dans une volonté de rendre visible, brutale et accessible une réalité souvent fantasmée. Ce dispositif s’inscrit dans un plan d’action global, lauréat d’un appel à projets de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).
Concrètement, la campagne prend la forme d’un clip de moins d’une minute diffusé sur les réseaux sociaux, ainsi que de plusieurs affiches visibles sur le mobilier urbain rennais. Le message est sans ambiguïté : montrer la réalité crue du quotidien de ceux qui entrent dans le trafic de stupéfiants. Entre solitude, violence, ennui et risques majeurs, les jeunes dealers n’ont, selon le slogan, « rien à attendre du deal ».
Une démarche participative, non moralisatrice
La campagne a été conçue en collaboration avec l’agence La Contrée, l’association Addictions France, les services municipaux et cinq jeunes rennais directement impliqués dans la création des messages. L’idée est de ne pas moraliser mais d’informer, en s’appuyant sur le vécu, les paroles directes et des codes compréhensibles par le public ciblé. L’objectif est de déconstruire l’illusion d’un trafic rentable et sans conséquences.
Le visuel principal est accompagné d’un QR code redirigeant vers une page dédiée du site jeunesse de la Ville de Rennes, mettant en avant des alternatives concrètes : accompagnement vers l’emploi, activités sportives et culturelles, associations, dispositifs d’insertion.
Mais pourquoi, malgré les risques évidents, certains jeunes se droguent-ils ou entrent-ils dans le trafic ?
Cette question ne peut recevoir de réponse unique tant elle engage des facteurs économiques, psychologiques et sociologiques complexes. Pour certains adolescents ou jeunes majeurs, la consommation de stupéfiants constitue une tentative d’évasion en réponse à des conditions de vie perçues comme sans horizon : désœuvrement, échec scolaire, violences familiales, sentiment d’inutilité ou de déclassement.
Quant à l’entrée dans le trafic, elle peut répondre à une logique économique directe – gagner de l’argent rapidement dans un contexte de chômage ou d’exclusion – mais aussi à une quête de reconnaissance, de pouvoir ou d’appartenance. Dans certains quartiers, le trafic devient un modèle social alternatif à l’ascension par l’école ou l’emploi, souvent jugée inaccessible.
Une stratégie efficace de prévention suppose donc non seulement d’informer, mais aussi de restaurer un sentiment d’utilité, d’ouverture et de justice sociale.
Un plan de prévention à 240 000 €
La campagne de communication représente un budget de 22 000 €, financé dans le cadre d’un plan plus large baptisé « Limits », soutenu à hauteur de 150 000 € par la Mildeca, et de 50 000 € par la Ville de Rennes. Ce plan s’étend sur trois ans et comprend :
- la formation de 90 professionnels du secteur jeunesse, éducatif, associatif et social,
- des actions de sensibilisation en CM1, CM2 et 6e, avec un volet parental,
- des interventions ciblées pour éviter la récidive chez les mineurs sous protection judiciaire,
- une étude qualitative sur les profils et parcours des jeunes impliqués dans les trafics,
- et la présente campagne de communication.
Un contexte rennais préoccupant
Ces dernières années, Rennes a connu une recrudescence de violences liées au trafic de drogue. Le recrutement de guetteurs mineurs devient une pratique courante dans certains quartiers. En octobre 2024, un enfant avait été grièvement blessé par balle à Maurepas, un drame qui avait fortement ému l’opinion publique et accéléré les réponses politiques. La campagne « Y’a rien à attendre du deal » entend répondre à cette situation en travaillant à la source du problème : l’attractivité du trafic auprès des plus jeunes.
Des retours déjà positifs
En moins d’une semaine, le clip a déjà été massivement partagé sur les réseaux sociaux, et les affiches ont suscité de nombreux commentaires de parents, d’éducateurs et de professionnels saluant une initiative à la fois sobre, percutante et bien ciblée. À travers cette campagne, Rennes affirme sa volonté de ne pas abandonner les quartiers populaires aux réseaux criminels et de miser sur la prévention plutôt que la seule répression.